Est-ce que tu peux te présenter ?

 Je m’appelle Mallory Caleyron, je suis volleyeuse professionnelle.

J’ai commencé le volley à 5-6 ans. Mes parents étaient tous les deux volleyeurs (en N3) et mon beau-père était entraîneur de volley. Je suis un peu tombée là-dedans… (rire). J’ai fait de la gymnastique en même temps mais à 11 ans il a fallu faire un choix et j’ai choisi le volley. Très vite, j’ai joué en nationale 2, à 14 ans. Puis j’ai intégré le pôle France à Toulouse pendant 2 ans. Et ensuite je suis partie en club professionnel, à 18 ans.

Je suis en équipe de France depuis que j’ai 14 ans. Et je l’étais jusqu’à il y a deux ans, jusqu’aux derniers championnats d’Europe.

Ma carrière a eu des hauts et des bas. J’ai arrêté sur des blessures pendant 2 ans, puis je suis revenue, puis j’étais décidée à arrêter et finalement je suis revenue. Mais là, c’est la dernière (rire).

Comment gères-tu la situation actuelle pour ton sport ?

Super bien ! Finalement, ça représente une chance pour mon équipe et pour moi.

L’année dernière je jouais encore en pro au Stade Français et j’ai fait le choix de partir en deuxième division pour finir mes études. J’avais commencé un master 1 quand j’étais encore en pro mais il fallait que je fasse 6 mois de stage. Et comme je m’entraînais 2 fois par jour, c’était assez compliqué. J’ai choisi d’aller à Levallois pour pouvoir travailler la journée et m’entraîner le soir, puisque les entraînements étaient à l’origine à 21h-22h. C’était mon option n°1 pour pouvoir réaliser mon stage de 6 mois.

Et en fait, avec la Covid, toutes les autres catégories ont été annulées, ce qui nous permet de nous entraîner de 19h à 21h. Pour moi, c’est parfait ! C’est un gain de fatigue considérable.

Quelles victoires sportives dont tu es la plus fière aimerais-tu partager ?

Alors, je n’ai pas gagné grand-chose (rires). Mais ce n’est pas grave, je suis très contente comme ça. Si j’ai un moment qui m’a réellement marqué, c’est une qualification aux Championnats d’Europe. En fait, il y avait des tours de qualification et les 1ères allaient aux Championnats d’Europe. Et nous, on a fini 2èmes mais on a finalement été repêchées, grâce à un match de dernière chance.

Il faut savoir que pour nous l’équipe de France féminine, les Championnats d’Europe, c’est LA compétition où on doit être parce qu’on n’arrive pas à se qualifier aux Mondes, encore moins aux Jeux. Donc c’est important pour nous de les faire, pour nous en tant qu’athlète, mais aussi pour la Fédération.

On se préparait énormément pour cette phase de dernière chance. Un match se jouait en Ukraine. On va là-bas, on se prend une dose phénoménale, on perd 3-0 ou 3-1 et c’était très compliqué parce qu’on jouait le match retour à domicile une semaine après. Il fallait rebondir très rapidement après la défaite que l’on venait de vivre.

C’était pas évident et en plus c’était une de mes premières titularisations. J’avais beaucoup de responsabilités. L’équipe s’est bien remobilisée. On gagne le match 3-2, et en le gagnant on bénéficie d’un golden set, donc on le gagne finalement 4-2. Pour la première fois de ma vie, je gagne un match 4-2 ! (rire) Et c’était aussi la première fois que le volley passait sur une chaîne sportive. C’était l’effervescence. J’en garde un super souvenir d’équipe.

On va aux championnats d’Europe quelques mois après et on va jusqu’aux quarts de finale, ce qui est le meilleur résultat français actuellement.

Quel souvenir marquant aimerais-tu transmettre ou raconter ?

Je suis actuellement dans une période de bilan en ce moment donc j’apprécie de revenir sur toute ma carrière. Je n’ai pas de moment en particulier… Ce que je me dis surtout, c’est que toute ma carrière m’a permis de devenir la personne que je suis actuellement, m’a fait évoluer. C’est toutes les rencontres au fil de l’eau, que ce soit les autres joueuses, les coachs, tous ces moments-là, qui comptent énormément pour moi.

Chaque moment est différent et unique et m’a apporté des souvenirs très forts.

As-tu été accompagnée durant ta carrière ?

J’ai été accompagnée quand j’étais en junior pour mes premiers championnats d’Europe. A ce moment-là c’était plus pour la gestion de la concurrence, parce qu’on était 2 à évoluer sur le même poste. On avait le même niveau et ce n’est pas toujours évident de prendre du recul par rapport à ça, surtout à cet âge-là.

Ensuite, je n’ai pas vraiment été accompagnée. Souvent, les préparateurs physiques étaient mes mentors, ou alors des joueuses plus âgées.

Quand Sandrine (Barbotin) m’a suivi, j’étais à une période de ma vie où je ne savais plus en tant qu’athlète ce que je voulais. J’avais d’importantes aspirations, comme partir à l’étranger. Sauf que cette vie-là ne me convenait pas forcément. L’objectif de cet accompagnement était de réussir à comprendre ce dont j’avais besoin : un équilibre entre ce dont j’ai besoin pour le volley et ce dont j’ai envie en tant qu’être humain.

Cela a vraiment été un moment charnière dans ma vie et dans mon parcours de joueuse. Cela m’a permis de vraiment savoir qui je voulais être et ce que je voulais faire.

A la suite de ça, je suis partie en équipe de France. On avait une qualification aux Championnats d’Europe donc tout allait bien. Mais je ne pouvais presque plus marcher à cause d’une excroissance au pied. J’ai décidé d’arrêter là et de me faire opérer. J’ai ensuite signé dans un autre club. Pendant 3-4 mois, j’ai fait ma rééducation puis j’ai repris. J’ai fait la saison mais ça a été une souffrance physique permanente… Je suis partie de nouveau en équipe de France l’été et là j’étais capitaine, avec une qualification aux championnats d’Europe. Finalement, j’ai décidé d’arrêter ma carrière professionnelle à ce moment-là. C’était en 2014.

Par la suite, je me suis fait opérer des deux pieds. Puis je suis revenue et j’ai joué en N2.

Que gardes-tu comme souvenir de ton double projet ?

Honnêtement, c’était une galère pas possible. L’accompagnement existe un peu mais finalement ça ne tient qu’à toi de réaliser ton double projet. Le deal avec mes parents, c’était “Très bien tu veux être pro, mais assure tes arrières tout de même avec une licence. N’importe quelle licence mais fais-en une.” J’ai donc été en STAPS à Orsay. C’était top, une très bonne formation pour les sportifs de haut niveau, en termes d’accompagnement et de suivi.

Ensuite, je suis partie jouer à Calais et il me restait ma L3. C’était plus difficile qu’à Orsay parce que j’étais moins “considérée”. Ils n’avaient pas trop l’habitude des sportifs de haut niveau.

J’ai voulu continuer ensuite parce que je me suis rendue compte que c’était mon équilibre. Cela me permettait de rencontrer des gens, de me faire des amis en dehors du volley, même si je n’y allais que deux fois par semaine. En master 1, c’est devenu impossible. Il n’y avait aucune considération de la part des professeurs. On me demandait de faire un choix entre mon sport et mes études. Alors même que j’étais en STAPS.

Ce que je dis aux jeunes que je rencontre aujourd’hui, c’est qu’il faut compter seulement sur soi pour réussir.

Ensuite je me suis dit que j’allais chercher une formation adaptée aux sportifs de haut niveau ou au moins à distance. Donc j’ai fait l’ESC Grenoble, j’étais seulement la deuxième promo. C’était sympa mais cela ne me plaisait pas forcément. J’ai suivi cette formation pendant 2 ans, j’ai fait mon M1. Et depuis, j’ai suivi plusieurs formations, sans forcément les valider mais pour essayer, pour découvrir de nouvelles choses.

Ce que j’ai envie de dire aux sportifs, c’est qu’on n’a pas besoin de décider quel métier on a envie de faire dès notre plus jeune âge. Mais il faut plutôt continuer à se former, aimer ce qu’on fait, et ne pas s’arrêter.

Par exemple, j’ai fait un BTS diététique, que je n’ai pas validé, mais pendant 3 ans j’ai appris pleins de choses. C’était très intéressant. J’ai aussi une licence en management du sport, j’ai une licence d’entraînement sportif, j’ai fait un M1 à l’ESC Grenoble, j’ai repris un M1 en management du sport et je fais un stage en ressources humaines donc rien à voir.

Le double projet est compliqué mais cela ne tient qu’à toi de le faire. Il faut garder en tête que c’est important pour soi, même pour sa pratique sportive, de continuer à cultiver son esprit.

Aujourd’hui, où en es-tu dans ta carrière sportive et/ou professionnelle ?

Je finis actuellement mon M2 en Management des Événements et Loisirs Sportifs. J’ai repris un M1 l’année dernière pour avoir une insertion professionnelle, c’est ce que je voulais. En réalité l’année dernière, je devais réaliser un stage dans les événements sportifs à la SNCF, ce qui n’a pas pu avoir lieu à cause du COVID.

J’ai quand même fait un mémoire sur le sport-santé bien-être des salariés dans les entreprises et en faisant ce mémoire, je me suis rendue compte que les ressources humaines pouvaient me plaire. En M2, j’ai commencé ce stage chez Carambar en RH.

Qu’est-ce qui a fait écho dans ton parcours et qui t’a donné envie, aujourd’hui, de soutenir Ween Hub ?

J’ai été contactée par Benoît Moneuse par téléphone, au moment même où j’étais en train d’arrêter ma carrière professionnelle. J’étais honnêtement perdue. Je ne savais plus qui j’étais en tant que femme. J’étais athlète, mais lorsque je me retirais cette étiquette d’athlète, je me demandais “mais qui suis-je en réalité ?”.

J’ai voulu être maman, mais cela ne s’est pas passé comme ça. On ne devient pas maman pour avoir une nouvelle étiquette, un nouveau rôle à jouer.

J’ai réellement eu ce sentiment, “Est ce que je suis intéressante sans être athlète de haut niveau ?”. Ce n’était pas la reconnaissance, c’était surtout le fait que tous mes proches m’aient toujours vu comme une volleyeuse. Mais sans cette identité-là, qu’est-ce-que je devenais ? Donc j’ai vécu une sorte de crise d’identité, alors même que j’ai toujours eu la sensation de préparer mon avenir. Même en étant prête, en ayant une vie stable, en ayant un socle, j’étais perdue.

J’ai eu Benoît à ce moment-là au téléphone et ça a été un super échange de projets, de compréhension. J’avais envie de… non pas aider parce qu’il fallait déjà que je m’aide moi-même (rire) mais plutôt de faire avancer les choses, de partager mon expérience auprès des autres athlètes.

Selon toi, qu’est-ce que peut apporter Ween Hub aux sportifs et à ceux qui ont arrêté leur carrière ?

Pour moi ce qui est primordial, c’est de réussir à sensibiliser les athlètes qui sont encore athlètes. Aider les athlètes en fin de carrière à anticiper parce qu’il n’y a pas seulement l’aspect choix de vie, il y a aussi l’aspect financier, le statut.

Ween Hub peut apporter de l’aide à ces sportifs en fin de carrière.

Ce qui manque réellement pour moi, c’est l’insertion professionnelle. On m’a toujours répété que je serais en mesure de réutiliser en entreprise, mes qualités de joueuses, mes prises de responsabilité lors de mes capitanats. Sauf que je ne connaissais pas le monde de l’entreprise, je ne sais pas ce qui est transférable. Je ne sais pas ce que je vais utiliser si je ne comprends même pas les intitulés de métiers.

Maintenant que je travaille, je comprends entièrement ce que je peux apporter. Et en effet, je vois la plus-value apportée par ma carrière dans mon travail actuel. Mais quand tu es athlète et que tu n’as jamais travaillé, tu ne sais pas ce que tu peux apporter.

Je pense que Ween Hub peut créer une synergie avec les entreprises.

Dans ta carrière, quelles ont été les difficultés rencontrées et quelle(s) force(s) en as-tu retirée(s) ?

 La difficulté majeure que j’ai rencontrée dans ma carrière a été d’être réellement honnête avec mes objectifs. Je me disais toujours que je voulais jouer à l’étranger, être en équipe de France, être dans le Top. Mon poste me permettait d’évoluer rapidement et d’avoir régulièrement de nouveaux objectifs. J’ai commencé au bas du tableau, puis petit à petit j’ai augmenté de niveau. A 20 ans, j’étais dans un gros club et puis on gagne une compétition.

Et là je me dis que je devrais être super contente, parce que j’avais toujours rêvé de jouer dans ce club, mais finalement, je rentre chez moi, sans mon copain, sans ma famille, sans ces motivations. Et c’est là où j’ai pris conscience de ce qui me rendait vraiment heureuse. Certes c’était jouer au volley, mais tout en ayant ma famille à mes côtés. Et cela a été très difficile pour moi d’accepter ça. Pourtant, c’est ce qui me rend heureuse et qui me fait bien jouer aussi.

C’est à ce moment-là que je travaillais avec Sandrine BARBOTIN pour que je me rende compte de ce qui était vraiment important pour moi.

Finalement, on n’est jamais prêt pour la fin de sa carrière. C’est vraiment comme une page qui se tourne, comme une nouvelle étiquette qu’il faut découvrir. C’est juste surprenant de devoir se poser cette question à 35 ans.

Aurais-tu aimé trouver à l’époque un soutien sportif, mental, professionnel, équilibre de vie sportive- professionnel… ?

Ce qui m’aurait vraiment aidé c’est d’avoir une liste à ma portée avec des pistes d’études en fonction de ce qui peut m’intéresser. Si on m’avait dit “Tu as ça en tête, tu as ces qualités, peut-être que tu pourrais te tourner vers ces métiers”, je pense que cela m’aurait épargné beaucoup de questionnements.

La possibilité que tout soit référencé, en termes de parcours de formation, d’opportunités de stages, serait un gain de temps considérable pour les sportifs de haut niveau.

Par exemple, selon moi, le CNAM, qui est actuellement ouvert aux salariés, devrait être ouvert aux sportifs de haut niveau. Tu peux prendre les cours que tu veux, être autonome, ça représente une telle liberté par la flexibilité des formations !

J’aimerais pouvoir recenser toutes les formations, les écoles.

Comment souhaites-tu aider les autres sportifs ?

Ce que j’aimerais c’est sensibiliser les nouvelles générations à cette réflexion sur le double projet parce que j’ai l’impression qu’ils n’en ont pas réellement conscience et qu’ils attendent que ça arrive.

Je pense que je peux aider les jeunes sportifs en partageant mon expérience et mon parcours, en disant la réalité des choses. Le fait que ce n’est pas toujours rose ni facile par exemple. Cela ne tient qu’à soi de réussir majoritairement.

 

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