Peux-tu te présenter ? 

Je m’appelle Youna Dufournet. J’ai été gymnaste de haut niveau pendant 10 ans en équipe de France. J’ai été médaillée mondiale, j’ai participé aux JO de Londres en 2012 et je suis sextuple médaillée européenne. Je suis diplômée d’un master en communication publique et influence et j’ai rejoint depuis janvier la société GIESBERT & MANDIN en tant que consultante médias. C’est une agence spécialisée en relations presse et influence politique qui accompagne les entreprises et collectivités territoriales dans leurs relations presse et les prises de parole auprès des décideurs publiques.

En 2015, j’ai bénéficié d’un accompagnement à travers le programme Pacte et Performance que venait de lancer le ministère et plus particulièrement Thierry Braillard. Celui-ci permettait aux entreprises d’intégrer un athlète dans leur société pour les aider financièrement dans leur accompagnement sportif mais aussi pour les insérer d’un point de vue professionnel en leur permettant d’avoir une expérience dans le monde de l’entreprise. En effet, c’est une démarche assez difficile lorsqu’on est sportif de haut niveau car on consacre presque 40h à l’entraînement par semaine.

Je suis rentrée en juin 2015 à Vivendi en tant qu’assistante chef de projet au sein de la direction Fusion et Acquisition puis en juin 2016 en tant que Chef de projet en communication de la Direction de la RSE. Je consacrais 80% de mon temps à l’entraînement et à mes cours, et 20% à mon entreprise (2 demi-journées par semaine)

L’année des JO de Rio fut une année charnière pour moi. Arrivant en fin de carrière, c’était une année de transition pour moi. Je venais de me blesser et j’avais besoin de me replonger dans les cours afin d’avoir de nouvelles perspectives et objectifs à court et moyen terme. Dans le même temps, j’étais un peu perdue quant à mon avenir professionnel. A ce moment-là j’étais en licence de droit par correspondance, j’avais une petite idée de reconversion dans la communication mais je n’étais pas sûre quant à l’orientation de mes études. Vivendi m’a permis de me reconvertir plus facilement, ce fut un vrai tremplin pour moi. J’ai été gardée 3 ans en alternance de ma première année de BTS communication (CNED) à ma 3e année de Licence en Communication et Web marketing

Au fil des années j’ai pu m’engager au sein de l’entreprise et développer mes compétences professionnelles. En tant que sportif, on développe des qualités qui ne sont pas forcément techniques et visibles au premier entretien mais qui apparaissent comme indispensables. En effet, nous faisons preuve d’abnégation, d’organisation, de bonne volonté, de dynamisme, de persévérance, de réactivité, des qualités primordiales en entreprise, qui ont la plupart du temps été acquises pendant notre carrière. Ça a été une belle « main tendue » au moment le plus propice de ma carrière.  Toutes les entreprises ne le font pas et tous les sportifs n’ont pas la chance d’être accompagnés dans leur reconversion de la sorte. Aujourd’hui c’est une vraie problématique.

Comment en es-tu venue à te tourner vers le programme « athlète et performance » ?

Je connaissais très bien Thierry Braillard car il a été adjoint au sport de la ville de Lyon, pendant que j’étais rattachée à un club à Lyon. A cette époque-là, Yann Cucherat, qui était sur la fin de sa carrière, me l’a présenté et il connaissait déjà très bien mon parcours. En arrivant au Ministère courant 2015,  il s’est d’abord tourné vers les sportifs qu’il connaissait très bien et ceux qu’ils avaient identifiés au sein de chaque fédération. Étant parmi les meilleures gymnastes, j’étais en tête de liste de ce programme de réinsertion, tout comme l’ont été Cyril Tommasone et Samir Aït Saïd chez les hommes. Malheureusement, les autres sportifs qui avaient de très bons résultats n’ont pas pu en bénéficier car très peu d’entreprises se sont pris au jeu durant la première année. Elles n’y voyaient pas forcément d’intérêt, elles n’avaient pas la vision sur le long terme de ce que peuvent apporter les sportifs en entreprise.

Même si c’est du donnant donnant en termes de visibilité pour nous, c’était très compliqué de communiquer. Surtout qu’en 2015 c’était le début des réseaux sociaux, on ne communiquait que très peu finalement sur les accompagnements en entreprise. Moi je n’ai jamais eu la chance pendant ma carrière de pouvoir communiquer sur Vivendi donc c’était du donnant donnant mais plus d’un côté que de l’autre. J’avais pleinement conscience qu’il s’agissait d’une véritable chance d’intégrer Vivendi et que je devais travailler à 2000% pour garder ma place, même en étant présente que 2 demi-journées par semaine la première année.

De plus en plus, les fédérations, associations et le Comité National Olympique Sportif Français déploient des dispositifs et programmes d’accompagnement pour les athlètes. Il y a des vraies problématiques qui ont été identifiées mais il est très dur d’y répondre. L’accompagnement est nécessaire aussi bien au niveau professionnel qu’au niveau personnel, parce qu’arrêter une carrière ne se fait pas du jour au lendemain. C’est très compliqué de transformer sa motivation, ses objectifs sportifs à des objectifs professionnels qui sont peut-être moins concrets, moins glorieux, plus difficiles à atteindre sur certains aspects.

Depuis 2015, il y a eu des progrès considérables.  Maintenant de plus en plus d’entreprises, que ce soit des start-up, des PME ou même les plus grosses entreprises, accompagnent les athlètes. C’est bon signe, ça veut dire qu’il y a une vraie prise de conscience. Il y a une vraie sensibilisation à avoir aussi auprès des athlètes dès le plus jeune âge. Malheureusement à l’INSEP et dans pas mal de sport notre temps dédié au cours est tellement précieux qu’il est compliqué de vendre du rêve à un athlète en lui disant « tu vas faire une école d’ingénieur, une grande école de commerce ou médecine ». Ce sont des parcours tellement difficiles en parallèle du sport… Je ne dis pas que c’est impossible, je dis juste que c’est compliqué et on n’est pas forcément sensibilisé à cela dès le plus jeune âge.

On nous explique majoritairement quelles sont les passerelles pour faire kiné, pour être journaliste, pour travailler dans la communication ou faire une école de commerce. Et on finit par oublier plein de possibilités. C’est vrai que j’ai vu très peu de sportifs à l’INSEP qui ont fait une école d’ingénieurs et pourtant la France manque d’ingénieurs. Il y a encore des passerelles à faire et à déployer. Je pense aussi qu’il faudrait donner plus de flexibilité aux athlètes dans leur cursus, même si cela prend plus de temps. De toute manière certaines carrières de sportifs ne s’arrêtent qu’à 35 ans, et parfois même plus tard, donc c’est une sensibilisation qu’il y a à faire dès le plus jeune âge auprès de toutes les parties prenantes : fédérations, niveau régional, niveau national, entreprises, athlètes, entraîneur(e)s également.

Comment as-tu réussi à concilier très jeune ton excellence sportive et ton parcours académique ?

Mes parents m’ont énormément sensibilisé à continuer mes études en parallèle. J’ai quitté mon cercle familial à 17 ans donc relativement tard pour une gymnaste parce que la plupart partent en pôle à 11/12 ans. La sensibilisation au suivi scolaire en parallèle de la gymnastique n’est donc pas la même. Finalement, ce sont mes entraîneurs et les personnes gravitant autour de l’athlète qui le sensibilisent. Moi j’ai eu la chance que cela soit mon entourage familial ainsi que mes entraîneurs.

Ils m’ont très vite fait comprendre que si je ne faisais pas d’étude, j’aurai des difficultés lors de ma reconversion. En effet, la pratique de la gymnastique en France ne permet pas de gagner sa vie. Donc oui j’ai été sensibilisée très tôt, mes entraîneurs étaient conscients de cela mais l’entraînement est resté une priorité pendant de nombreuses années. Je devais me débrouiller et être organisée pour allier les études et l’entraînement. Ça n’a pas été simple… Au collège je m’entrainais tous les après-midis donc je devais rattraper l’intégralité de mes cours à 20h.

Pas toujours simple, lorsque certains professeurs n’acceptaient pas que je fasse du haut niveau ou que je me permette d’être absente de leurs cours pour aller m’entraîner.

Arrivée au lycée, j’ai eu beaucoup plus de difficultés, mon absence s’intensifiait au profit des compétitions. Je partais en compétition parfois un mois, deux mois, trois mois à l’autre bout du monde. Ce n’était pas infaisable mais ça ne se faisait pas, les professeurs ne donnaient pas les cours en avance, il n’y avait pas cette gestion des e-mails comme on peut avoir maintenant, il n’y avait pas cette facilité en visio de suivre les cours… Ça a, depuis, beaucoup évolué mais il y a 10 ans les conditions étaient difficiles. Parfois, je revenais en cours, après deux mois d’absence et j’étais complètement perdue.

Une période très difficile pour moi. J’ai loupé mon bac une première fois, j’ai ensuite repris des cours pour me remettre à niveau parce que j’avais d’énormes lacunes. J’ai repassé mon bac entièrement ( Bac de français / Histoire Géo + Bac de terminale) en 2013 et à ce moment-là je venais de rejoindre l’INSEP.  Contrairement à ce que j’avais pu avoir dans mon lycée d’origine, il y avait un véritable suivi des professeurs envers les athlètes. Tout était aménagé et fait pour qu’on réussisse aussi bien nos cours que nos entraînements. Parfois on se faisait même reprendre à l’entraînement par nos entraîneurs parce qu’on avait des mauvaises notes en cours.

Nos entraîneurs nous lâchaient parfois plus tôt parce qu’on avait des cours de soutien. Les  professeurs étaient eux aussi très indulgents quand on revenait d’un week-end de compétition par exemple, et que le lundi matin, on était exténués. Cette deuxième terminale fut beaucoup plus simple parce que la structure était adaptée aux sportifs de haut niveau tant au niveau des professeurs qu’au niveau des athlètes et encadrants sportifs.

A la suite du bac, nous étions plus livrés à nous même. Les orientations ne sont pas toujours très explicites et l’accompagnement peu adapté. Nous ne sommes pas toujours orientés vers les meilleurs parcours. Je m’entrainais 35h/semaine soit 3H30 le matin et 3h30 le soir, il n’était pas toujours simple de trouver une école qui me dit « ok tu viens à l’école de 7h à 9h et tu reviens de 14h à 16h et tu pars ». Cela ne se passe pas comme ça et encore moins en France. Cela implique nécessairement de suivre des cours par correspondance et être la majeure partie du temps en autonomie.

Je trouve qu’il est primordial de sensibiliser dès le plus jeune âge le double parcours / cursus. Je suis parvenue à concilier les études avec mon sport et ça ne m’a pas demandé d’efforts surhumains. J’étais autonome, je me levais le matin dans ma chambre de l’INSEP pour travailler, après je partais à l’entraînement. Je me faisais violence, parce que, comme toute étudiante, et je pense que c’est encore plus le cas actuellement avec le confinement, ce n’est pas simple de se motiver lorsque l’on est seul face à son ordi et face à ses cours. Oui, il y a une sensibilisation à avoir et encore plus dans les sports où il y a de l’argent qui rentre dès le plus jeune âge. Je pense au rugby par exemple où il y a plus d’argent qu’en gymnastique même si ce n’est pas comme le foot ou le basket en NBA.  Le gain d’argent très jeune peut, parfois, décourager les athlètes à suivre un parcours scolaire en parallèle.

Ça peut être totalement dépendant de la vision des clubs et des centres de formations qui vont soit, permettre aux sportifs d’avoir des résultats et signer des contrats pour les joueurs soit les accompagner.

Malheureusement les deux sont rarement fait alors qu’ils pourraient être compatibles. Les athlètes doivent rapidement prendre conscience qu’à l’issue d’une carrière le suivi psychologique est plus qu’important. Dès que l’on parle de reconversion, ce n’est jamais simple. Le jour où l’on doit annoncer qu’on arrête sa carrière et qu’on doit se refixer des objectifs c’est vraiment compliqué et s’il n’y a personne qui nous accompagne, l’athlète le fait rarement tout seul.


Comment s’est déroulé l’arrêt de ta carrière ? A-t-il été brutal ?

L’arrêt de ma carrière a été préparé et n’a pas été brutal. J’ai été suivie pendant des années par une psychologue et j’étais très proche de mes parents, de ma famille, de mes entraîneurs. Ça faisait quelques années que j’avais de grosses douleurs physiques pendant les entraînements et j’arrivais à un stade où il était difficile de les supporter.

Yann Cucherat m’avait dit un jour : « Tu arrêteras ta carrière au moment où tu seras au plus haut niveau mais que tu n’en voudras plus » et c’est vrai que toute petite je me disais je fais les JO de Londres et après j’arrête ma carrière, mais après les JO de Londres je n’avais pas du tout envie d’arrêter.

J’ai eu des moments de doute en 2010, 2011, j’ai fait un burnout. Je n’allais pas bien physiquement, j’enchainais blessure sur blessure mais surtout j’étais en détresse psychologique. J’accumulais les blessures et je n’acceptais pas l’échec et la remise en question. Il était hors de question d’arrêter mais j’étais dans l’incapacité d’assurer les entraînements.

En 2016, quand j’ai annoncé que j’arrêtais ma carrière, je sortais de finale nationale aux championnats de France et j’avais un sentiment de plus rien avoir à prouver. J’avais été aux JO, pas de médailles certes mais j’avais été médaillée mondiale, européenne et multiple médaillée française.

Une voix intérieure me disait que ce n’était pas possible, que je n’avais plus le niveau pour l’atteindre, ni la force physique et mentale pour le faire. En plus, je connaissais autre chose, j’avais une vie professionnelle et  je faisais des études qui me plaisaient. Finalement l’arrêt de ma carrière s’est présenté à moi naturellement … même si l’année durant laquelle j’ai arrêté ne fut pas simple : je suis passée de 7h d’entraînements par jour à plus rien. Ça a été le plus grand vide de ma vie finalement, parce que je partais travailler et le soir j’avais l’impression que la journée ne s’était pas vraiment déroulée. Je n’avais pas fait d’activité, mon corps n’avait pas fait de sport. Je n’avais plus le stress de l’entraînement, le stress de bien faire, ce n’était pas normal.

Finalement on s’y habitue, on apprécie aussi de pouvoir sortir, de faire d’autres choses, de ne pas être contraint le week-end, de rester à se reposer. Mais il y a tout de même un accompagnement à prévoir. J’ai continué à voir une psy l’année où j’ai arrêté ma carrière et j’ai beaucoup échangé avec elle. Elle bénéficiait aussi d’un retour des autres sportifs, comment ils avaient vécu leur après carrière, comment ils s’en étaient sortis. Elle m’a accompagné pour me refixer des objectifs professionnels et non sportifs et pour garder un petit pied dans le sport parce que j’aimais ça et que je suis passionnée depuis toujours.

C’est un long chemin à prendre. C’est un accompagnement à aller chercher parce que ce n’est pas simple. J’ai pas mal d’amis qui ont arrêté sur un coup de tête parce que c’était trop dur et ils s’en mordent les doigts dix ans après, parce qu’ils ne sont pas allés au bout de ce qu’ils souhaitent accomplir. Ça c’est un arrêt brutal selon moi. Ce n’est pas sain parce qu’il ne faut jamais avoir de remords des années après. D’autres athlètes arrêtent et n’ont pas anticipé la suite : avoir des objectifs professionnels ou personnels, c’est primordial selon moi surtout quand on a été sportifs de haut niveau et qu’on s‘est constamment fixés des objectifs à court, moyen et long terme.

Claude Onesta avec l’agence national du sport a changé cette vision en créant le pacte haute performance avec un accompagnement de 200-300 meilleurs sportifs qui auraient un objectif de médaille. Mais sa vision écarte quelque peu la réalisation du double projet pour ne se concentrer que sur la pratique sportive. Qu’en penses-tu ?

Ça me choque surtout que je n’ai jamais été autant performante dans mon sport que lorsque j’ai été en double projet et que mon double projet fonctionnait bien. Le sport est tellement difficile que, lorsque l’on a que ça dans notre vie, on devient fou. Alors les jours où ça se passe bien c’est génial mais les jours où ça ne se passe pas bien, on est au fond du gouffre. Si nous n’avons pas de double projet, on ne sort jamais la tête de l’eau, on ne voit rien d’autre.  Il faut absolument réussir à relativiser sur sa pratique du sport.

Bien sûr, je ne dis pas que lorsque l’on a des échéances importantes, que nous sommes à 6 mois des JO, il ne faut pas faire de coupures avec son double projet. Au contraire, c’est important aussi de s’entraîner 35h, d’avoir 10h en plus pour la récupération, les soins kinés, le bien être… Mais 4 ans c’est long et une médaille olympique se prépare très jeune. Donc s’il n’y a pas un accompagnement et un double projet, c’est voué à l’échec, parce qu’on ne peut pas être au top tout le temps dans son sport. Il faut accepter les hauts et les bas et lorsque l’on est dans les bas, c’est bien de pouvoir se raccrocher à d’autres objectifs et à d’autres choses.

C’est dommage qu’en 2020 on parle de cette manière alors que d’un autre côté les JO 2024 à Paris se veulent inclusifs et souhaitent rassembler un maximum de jeunes issus des quartiers qui n’ont pas suffisamment accès aux installations et aux pratiques sportives. Il faut les raccrocher à d’autres choses. C’est triste qu’on en arrive là et qu’on n’accompagne pas les athlètes dans le double projet parce que à 30 ans, c’est bien d’être médaillé olympique, médaillé mondial, etc, mais ensuite, qu’est-ce que l’athlète va faire de sa vie s’il n’a jamais rien fait jusque-là ?

Certes il y a plein de reconversions qui sont possibles mais nous n’apprenons pas du jour au lendemain à rester 8h sur une chaise après avoir eu 6h de sport tous les jours.

Quel est ton équilibre sportif actuellement ?

Quand j’ai arrêté ma carrière, j’ai eu besoin de ne plus faire de sport pendant 6 mois. Ça m’a fait un bien fou. Par la même occasion, j’ai pris du poids et mon corps a totalement changé. Mais je ne pouvais plus me faire violence dans le sport.

Après j’ai repris petit à petit, j’ai fait beaucoup de RPM (des cours de cycling à haute intensité en salle de sport). Quelques cours étaient disponibles à Paris et j’arrivais à me dégager du temps le midi pour y aller, et cela pendant 2 ans. Ensuite je suis arrivée à Lyon et j’ai refait un an de gym par plaisir sans faire de compétitions.

Ça m’a fait beaucoup de bien de le faire pour moi mais mon corps m’a encore une fois rappelé à l’ordre. J’ai donc trouvé une salle de sport juste à côté de chez moi et j’ai suivi des cours collectifs. Avant le Covid, j’y allais pratiquement 4 fois par semaine mais maintenant si j’arrive à faire deux à trois fois du sport par semaine c’est déjà un miracle. (rires)

J’adore ça, je suis passionnée ça me fait un bien fou mais le temps manque quand on travaille donc j’essaye d’en faire un peu le soir quand je suis motivée.

Je vais me donner à fond au moment de la séance mais si je n’ai pas envie, je ne me force pas. Pendant toute ma carrière je me suis fait violence. C’est important de s’écouter.

Surtout qu’un sportif de haut niveau s’écoute quand même très peu, il écoute plus sa performance que son corps donc mieux vaut tard que jamais. Mais si je le pouvais, je ferais du sport très régulièrement. Le problème c’est que lorsque l’on arrête le sport de haut niveau, le sport devient cher, ça reste une activité qui n’est pas gratuite et il faut trouver un juste milieu entre notre temps libre et le temps de travail.

C’est important aussi de réapprendre à apprécier son corps parce que ce n’est plus un corps d’athlète que l’on a, difficile à entendre pour les sportifs et dans le monde actuel avec le culte du corps en exergue sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas simple, on se voit changer, on aperçoit sa musculature fondre, etc. Nous devons réapprendre à nous aimer et surtout nous écouter.

Tu disais que le sportif écoutait surtout sa performance. Jusqu’où un sportif serait prêt à aller pour se dépasser totalement et atteindre les meilleurs résultats possibles ?

J’ai envie de dire jusqu’à la blessure, jusqu’à ce que le corps t’arrête. Pour ma part, c’est ce qu’il s’est passé. J’ai eu très mal à l’épaule pendant des mois, nous étions en janvier 2015 à un an et demi des JO, j’enchainais Coupe du Monde sur Coupe du Monde. Il n’y avait pas une séance d’entraînement où le soir je ne me glaçais pas l’épaule… Je ne souhaitais pas faire de radios, je savais que ce n’était pas bien, je savais que si j’allais me faire ausculter on allait me dire : « Youna il faut arrêter là, il faut stopper l’entraînement ».

Donc je n’y suis pas allée, jusqu’au jour où à la suite d’un entraînement , il m’était impossible de lever l’épaule. Rupture du long biceps, arrachement osseux … la totale. Cela signifiait opération et les chances d’une médaille pour les jeux qui s’envolent en fumée.

Quand on parle de performance, le sportif est têtu. J’ai envie de dire que nous sommes capables d’atteindre l’épuisement. Malheureusement, les entraîneurs ne nous empêchent que très rarement. Notre mental est solide et nous passons outre la douleur.

As-tu aussi été accompagnée par un préparateur mental en plus de ta psy lorsque tu étais blessée ?

J’ai été accompagnée par une psychologue et un préparateur physique à la suite de mes diverses opérations.

Les entraîneurs sont très à l’écoute aussi, l’entourage fédéral oui et non, ma famille était aussi très présente. On s’en remet petit à petit, c’est une dure épreuve mais on ne peut s’en prendre qu’à soi-même aussi. Ce n’est pas le fait de se blesser qui a été le plus dur. C’est surtout le fait que j’ai eu beaucoup de difficultés à revenir parce que le temps était très court. J’ai eu véritablement l’impression qu’il s’agissait d’une course contre la montre. t

Psychologiquement, j’étais prête à ce que cela se passe bien avant que je me blesse.  Quand la blessure est arrivée, c’était un peu comme si l’épée de Damoclès, au-dessus de moi pendant toutes ces heures d’entraînement, me tombait dessus. Je n’ai rien dit et lorsque le jour est arrivé, je l’ai accepté.

La convalescence a été rapide, j’ai eu le bras en immobilisation pendant 6 semaines puis j’ai repris rapidement l’activité physique et les agrès 3 mois après ce qui était en soit rapide. J’ai eu des blessures où ça a duré beaucoup plus de temps. J’avais aussi un double projet, c’est ça aussi qui m’a sauvé, parce que mes journées étaient bien remplies : j’allais travailler à Vivendi et j’avais plus de temps pour mes études et la rééducation.

Encore une fois bénéficier d’un double projet lorsque l’on est blessé cela permet de sortir la tête de l’eau. C’est un moyen de se dire que l’on ne fait pas rien de notre vie finalement.

Quelle victoire sportive dont tu es la plus fière aimerais-tu nous partager ?

La victoire dont je suis la plus fière reste ma médaille aux championnats du monde. J’étais jeune et insouciante. Je la savoure d’autant plus maintenant. Lorsque je suis monté sur le podium, ce n’était pas quelque chose d’exceptionnel parce qu’on m’avait tellement préparé à ça que je ne l’ai que très peu savouré sur le moment. 10 ans après, j’ai plaisir à revoir les images.

J’ai des anecdotes plus techniques comme le fait qu’on a une phase d’entraînement d’une heure sur le plateau de compétition juste avant – sans public – mais juste pour reprendre des sensations sur l’agrès. Je n’y étais pas allé puisque j’étais en confiance et prête. Pour moi, il n’y avait peu ou pas d’enjeu, étant arrivé en dernière position des qualifications. Pleine de confiance et toute jeune sur le plateau de compétition, j’ai réalisé deux sauts parfaits, une de mes plus belles réussites.

Qu’est-ce que ça fait de participer aux Jeux Olympiques ?

C’est un évènement exceptionnel. Sur le plan compétitif, cela reste une compétition classique avec un public similaire à celui des championnats du monde. Sur le plan humain, c’est incroyable. L’environnement qui gravite autour de nous, la préparation, le collectif, l’arrivée aux côtés des sportifs français, le port de la veste France à côté de Teddy Riner, de Tony Parker etc… Et finalement tous ces sportifs français qui ne sont qu’une seule et même équipe, c’est exceptionnel. Le village olympique, je n’ai pas les mots tellement c’est dingue. On ne s’en rend pas compte mais nous sommes sur un nuage pendant près de trois semaines.

Le retour à la vie réel après les JO a été tellement dur, presque plus dur qu’une blessure. On nous prépare pendant des années, le jour arrive, on est dans une bulle pendant des semaines et d’un seul coup tout s’arrête, ça c’était difficile.

Les jeux olympiques, c’est une aventure humaine hors du commun. Même s’il n’y a pas eu le résultat escompté, même si je chute et que je n’obtiens pas de médaille, tous les à-côtés sont majestueux. J’ai eu la chance de vivre ceux de Londres, durant lesquels tout était parfaitement organisé. Les infrastructures étaient exceptionnelles, tout était cadré, je n’ai jamais vu un bus en retard, les anglais ont fait les choses de la plus belle des manières.

C’est super de croiser Usain Bolt. On ne s’en rend pas compte mais même 15 ans après, j’ai l’impression que c’était un rêve. Je comprends parfaitement que certains athlètes soient mordus. (rire) Il y en a qui ont la chance que leur corps leur permette de faire plusieurs fois des olympiades surtout que chaque olympiade à son lot de surprises. J’ai fait les JO de Rio en tant que spectatrice et c’était une tout autre ambiance.

J’espère et j’en suis sûr, que Paris 2024 sera exceptionnel. Tokyo, ce sera une autre ambiance, mais ça reste des JO donc c’est magique. On découvre aussi des sports, je me suis liée d’amitié en 2013 avec des escrimeuses alors que je n’avais jamais vu d’escrime avant les JO et maintenant je peux encourager mes copines aux JO, c’est génial !

J’ai un souvenir marquant d’Hamilton Sabot quelques mois avant les Jeux de Londres. Il me disait “Ne soyez pas spectateurs des Jeux mais soyez acteurs, vous verrez vous allez arriver sur le plateau, vous serez émerveillés et emportés par cette ambiance tellement magique”. C’est vrai, il avait raison de nous mettre en garde face à cela. Malheureusement, toute personne va vivre cette phase là et si la part de chance n’est pas prévue le jour J, les résultats ne seront pas là mais oui vivre le moment à 200% et être complètement acteur de ses Jeux, c’est juste fou.

Quel souvenir marquant gardes-tu de ta carrière de gymnaste et de ton double projet ?

Les heures de colles pour préparer le baccalauréat à l’INSEP : On se levait assez tôt parce qu’on avait les premières heures de cours à 7h30, on avait entraînement de 10h jusqu’à 13h, on mangeait très rapidement, on reprenait les cours de 14h à 16h, on allait à l’entraînement de 16h30 à 20h et on avait des cours de soutien de 21h à 22h30. J’ai le souvenir de ces cours qui étaient interminables, où je n’avais qu’une envie c’était de dormir.  Malgré ça, nous tenions, tous les sportifs étaient investis et s’entraidaient pour obtenir le bac.

Avec du recul c’étaient des beaux souvenirs. J’ai réussi à tisser des liens très forts avec ces sportifs et ce sont des souvenirs inoubliables.

Il y a également eu la signature de mon premier contrat au sein de Vivendi en 2015, marquant le début de ma carrière et d’un beau challenge professionnel. Plus récemment, dans mon métier, quand un journaliste qui m’appelle et me dit se souvenir de moi en tant que gymnaste, ça fait chaud au cœur… Ça veut dire que j’ai marqué un peu les esprits avec mon passé de sportive, donc oui ce sont des beaux souvenirs qui restent.

Comment en es-tu venue à connaître Ween Hub ?

C’est Sandra Blanc Mesnel qui m’a contacté via LinkedIn en me parlant de ce projet et on s’est eu au téléphone au premier confinement. J’ai trouvé que c’était un beau projet, une belle association avec une belle histoire liée au rugby, avec un esprit familial. J’ai été touchée par les actions qui ont été mises en place pour aider les athlètes. j’ai eu envie de m’engager en tant qu’ambassadrice.

Selon toi, qu’est-ce que Ween Hub peut apporter aux sportifs de haut niveau qui sont encore en carrière, qui ont arrêté leur carrière ou qui sont en pleine reconversion ?

Ween hub accompagne et sensibilise les athlètes. Lorsque l’on est sportif on a l’impression de ne pas avoir de contacts pour sa future carrière professionnelle, or au contraire. On a tout au long de notre carrière rencontré plein de monde. Ces contacts peuvent être activés pour notre reconversion. Je pense que Ween Hub peut aussi apporter un accompagnement psychologique auprès de ces athlètes encore en carrière ou en fin de carrière.

Ween Hub c’est une sorte de mise en réseau avec d’autres athlètes qui ont aussi vécu cela, qui s’en sont sortis, ou pas. Ce sont des échanges, c’est du donnant donnant et ça c’est ce qui est important aujourd’hui pour réussir au mieux son double projet. De belles valeurs animent l’association et permettent de faire grandir ces athlètes et entrepreneurs de demain.

Est-ce que toi tu aides par exemple des jeunes sportifs, des jeunes gymnastes dans l’accompagnement, le conseil ou d’une autre manière ?

Je ne le fais pas naturellement parce que je n’ai pas eu l’occasion mais si on me demande ou si je ressens un besoin de discussion, je suis toujours partante pour parler de ma carrière, de mon vécu et pour sensibiliser les athlètes au double cursus. Étant à Lyon maintenant, j’ai moins de contact que lorsque j’étais à Paris, donc je ne vois plus trop les gymnastes. Je vais les croiser lors des compétitions mais ce n’est pas le moment adéquat pour en parler.

J’aimerais, si l’occasion se présente, conseiller et accompagner les athlètes dans leur reconversion, d’où mon rôle d’ambassadrice Ween Hub.

En tout cas, merci à l’association d’avoir pensé à moi et de me permettre aussi de vivre cette expérience à vos côtés. J’espère que plein de jeunes seront accompagnés et profiteront de ces conseils qui sont très importants à mon sens.

 

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