Entretien avec un partenaire de Ween Hub

Mickaël Romezy est un ancien professeur d’éducation physique et sportive reconverti dans l’enseignement supérieur. Il est Directeur des programmes sport, SHN et talent au sein de l’EM Lyon mais aussi Président et référent auprès des Ministères du sport et de l’enseignement supérieur à la Conférence des Grandes Ecoles.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Mickaël Romezy, je suis un ancien professeur d’éducation physique et sportive reconverti dans l’enseignement supérieur. Actuellement j’occupe la fonction de Directeur des programmes sport, SHN et talent au sein de l’EM Lyon. Mon rôle est d’encadrer le sport pour tous les étudiants sur les différents campus mais également d’accueillir les SHN qui viennent étudier au sein de l’établissement. Je m’occupe du parcours classique qui comprend des cours aménagés pour les sportifs mais également du parcours spécifique aux SHN, le BBA SHN, qui peut comprendre des cours en 100% distanciel.

Qu’est ce qui a motivé ton investissement dans l’accompagnement des sportifs ?

 Au départ je m’occupais uniquement du sport à l’EM pour les étudiants classiques. En 2018 j’ai été confronté à 5 SHN au sein du programme classique grande-école qui se sont retrouvés bloqués dans leurs études. Ce sont des sportifs à envergure internationale avec un excellent niveau et de nombreuses obligations sportives. Seul problème, leurs carrières étaient incompatibles avec l’agenda scolaire classique.

Face à cette impasse j’ai étudié tout ce qui se faisait en France au niveau des grandes écoles afin de définir un cahier des charges et les besoins de ces sportifs pour mettre en place en 2019 les parcours spécifiques aux SHN.

Au-delà de l’enseignement, nous avons également constaté un problème au niveau de l’orientation des sportifs pendant et après leurs études. Ces derniers manquaient cruellement d’accompagnement et d’information sur les secteurs d’activités existants, le choix des métiers ou encore l’acclimatation au monde de l’entreprise.

Nous avons donc monté une animation « accompagnement carrière » pour les SHN pour leur permettre de découvrir des métiers et échanger avec des experts et professionnels. Nous avons également constaté que certains sportifs n’étaient pas très bien accompagnés dans leur carrière. En conséquence, nous avons procédé à la création d’un programme d’accompagnement et de gestion de carrière sportive.

Est-ce que cette formation et cet accompagnement peut avoir une répercussion sur le plan sportif

J’aimerais bien qu’une étude sociologique soit réalisée sur le sujet pour le savoir concrètement mais en réalité c’est plutôt empirique : ce sont les retours de nos sportifs qui nous expliquent à quel moment c’est dur et à quel moment c’est plus simple.

Mais il est vrai que pendant la carrière et le temps de formation il y a des moments où ça peut créer des perturbations parce qu’on leur demande une charge de travail que leurs collègues de vestiaire n’ont pas forcément. Globalement dans le vestiaire, la proportion de sportifs suivant des études est minoritaire et dans certains moments de convivialités ou de déplacements l’étudiant SHN doit travailler ses cours tandis que les autres jouent à la console ce qui peut être perturbant et créer un isolement.

Selon moi, ça n’exercera pas une influence sur la performance sportive mais sur l’intégration au groupe. C’est également le cas en classe où le SHN après les cours devra s’entraîner tandis que les autres peuvent s’amuser. Mais ce qui est certain, c’est que la majorité des SHN qui suivent une formation auront une charge mentale moins importante liée à leur fin de carrière. C’est le cas pour les sportifs un peu plus âgés qui ont anticipé leur fin de carrière. Ils se sentent plus performants sur le terrain car ils sont débarrassés du poids de l’après carrière.

C’est notamment le cas de Fabien Gilot, ancien capitaine de l’équipe de France de Natation, qui disait qu’une fois entré dans cette formation, il avait débloqué un pallier et avait eu ses meilleures performances. Il a décidé de prendre sa retraite sportive beaucoup plus tardivement que prévu parce que tout allait bien pour lui après avoir planifié son futur.

Pour toi, qu’est-ce qu’un accompagnement réussi ?

Selon moi réussir un accompagnement c’est permettre au sportif de valider un diplôme dans le temps qu’il a choisi. Il n’y a aucun intérêt à obtenir un diplôme à 23 ans si par la suite le sportif va chercher du travail à 30 ans. Les SHN qui viennent en post-bac auront au minimum 4 ans d’études mais leur carrière sportive peut être beaucoup plus longue.

Finalement, l’obtention du diplôme n’est pas une fin en soi, pour parler de réussite il faut que le sportif puisse basculer dans le monde professionnel avec un métier qui soit au niveau de ses attentes et de son potentiel. Jusqu’à maintenant on voit beaucoup de sportifs diplômés qui sont sous exploités en arrivant en entreprise et notre rôle est d’expliquer à ces structures l’intérêt d’intégrer un sportif et comment en tirer pleinement profit.

On explique également aux sportifs l’importance d’aller chercher des jobs en adéquation avec leurs profils. Durant leur carrière, ils ont développé des connaissances qui ne sont pas inutiles et qui peuvent être recontextualisées dans le milieu de l’entreprise. De plus, ces sportifs auront reçu une formation au sein d’une grande école avec un diplôme reconnu à l’international. Raison de plus pour s’autoriser à chercher un job élevé. On n’a pas envie que le sportif choisisse un job qui est à des années lumières de ses envies et qu’il se retrouve démotivé après 3 mois ce qui serait un échec pour nous.

Peut-on détecter une appétence pour un secteur d’activité ou un métier en fonction du sport pratiqué ?

Je ne veux pas faire une généralité mais globalement le sportif individuel gère une entreprise qui est lui-même. Il s’occupe de tous les aspects allant de la constitution du staff, ce qui correspond à de la RH, à la finance avec le sponsoring, etc. Je vois une différence de maturité entre les SHN individuels et collectifs et cette différence est encore plus flagrante quand on parle de sport collectif rémunéré. Comme les sportifs individuels gèrent absolument tout, ils se dirigent naturellement vers les métiers de l’entreprenariat en créant leur entreprise et en étant ainsi leur propre patron.

Les SHN collectifs ont été « drivé » toute leur vie, ils ont cette habitude qu’on leur pose un cadre de travail, ce qui se traduit généralement par des postes de salarié. Cependant il ne faut pas faire de ces cas une généralité parce que nous avons beaucoup de profils bien différents.

Est-ce que tu as un cas marquant d’accompagnement dont tu es fier ?

Oui il y en a plein évidemment mais celui qui me vient en tête c’est le cas d’un basketteur issu du centre de formation de l’ASVEL qui a joué en équipe de France jeune et en Pro B. Au sein de son environnement, on lui disait que les études n’étaient pas faites pour lui, qu’il n’était pas assez intelligent, etc. Il est rentré au programme grande école après un BAC+3 en faisant le choix de jouer à un niveau plus bas.

Au départ, nous avons réalisé un gros travail de repositionnement de posture. En arrivant il était très timide, il craignait de déranger et il ne se sentait pas capable. Nous avons tout mis en place pour que ce sportif obtienne son diplôme dans les meilleures conditions tout en respectant son emploi du temps. Nous avons également fait en sorte qu’il puisse tirer parti de son profil atypique en se mettant en valeur dans son club et auprès des entreprises.

Finalement ce basketteur a réussi à être diplômé même si cela a pris cinq ans au lieu de trois et aujourd’hui il travaille dans un cabinet d’audit à Paris, il s’épanouit dans ses nouvelles fonctions et il est très content. C’est un exemple d’accompagnement réussi parce que nous avons vu une transformation entre la personne qu’il était en arrivant à l’école et la personne qu’il était une fois diplômé.

Peux-tu présenter la structure APS CGE dont fait partie l’EM Lyon ainsi que tes fonctions ?

APS CGE est une association regroupant tous les directeurs et responsables des services des sports des Grandes Ecoles appartenant à la Conférence des Grandes Ecoles. Ses missions et ambitions ont pour objectif l’amélioration des conditions de pratique sportive en enseignement supérieur. Je suis le Président et le référent auprès des Ministères de tutelle : sport et enseignement supérieur. Nous sommes les interlocuteurs privilégiés auprès du sport en tant que contenu de formation et animation de la vie associative dans les programmes de nos écoles. Nous travaillons en sous-commissions thématiques de manière collégiale, nous échangeons régulièrement sur les bonnes pratiques et expériences de nos membres. Nous représentons l’ensemble des écoles de la CGE, soit environ 230 écoles et des centaines de milliers d’étudiants.

Peux-tu présenter les différentes commissions de travail ?

Commission compétences :

Le sport est un enjeu important pour notre groupe de travail en raison de son rôle dans le développement des soft skills et la construction de l’identité de nos apprenants. Nous travaillons en collaboration avec les textes officiels pour offrir à nos étudiants des expériences de situation leur permettant de développer non seulement des connaissances, des compétences pratiques et des attitudes professionnelles, mais aussi des aspects cognitifs et comportementaux.

Nous estimons que ces compétences transversales que nous contribuons à développer chez nos apprenants sont fondamentales, mais il n’est pas systématique que les écoles tiennent compte de ce type de formation.

Aussi, nous souhaiterions que les textes évoluent pour réaffirmer le rôle et la place de l’enseignement des activités physiques, sportives et artistiques (APSA) dans les programmes de formation diplômante des écoles de l’enseignement supérieur. Nous soutenons l’obligation législative d’avoir un référent sport, chargé de la formation par les APSA, dans chaque école et université.

Commission SHN :

Favoriser l’accueil de sportifs de haut niveau (SHN) dans nos écoles est un axe important de la commission. En effet, les SHN ont du mal à concilier leur vie sportive et leurs études supérieures en dehors des universités. Pendant longtemps, la filière du sport de haut niveau a principalement dirigé les sportifs vers des études en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives). Cependant, nous devons améliorer notre approche et faciliter l’intégration des SHN. Nous souhaiterions également que les textes régissant l’accès aux grandes écoles des SHN évoluent en créant systématiquement des concours spécifiques et des jurys SHN dans les écoles.

Actuellement, très peu d’écoles ont la possibilité d’ouvrir leurs programmes aux SHN, car les modalités de candidature sont les mêmes pour les étudiants classiques. Or, un SHN ne peut pas avoir le même parcours scolaire ou académique que les autres candidats en raison de la nature intrinsèque du sport de haut niveau. Nous estimons qu’il est essentiel de donner plus de flexibilité aux écoles souhaitant s’engager dans l’accompagnement du sport français en simplifiant les procédures de concours pour cette population spécifique et en offrant une marge de manœuvre sur les modalités de délivrance des programmes, ainsi que sur les interruptions d’études pour des raisons sportives (préparation des Jeux olympiques ou autres contrats professionnels…) en rapport avec les visas délivrés par les ministères de tutelle (MESRI ou ministère du Travail). Nous sommes prêts à vous faire des recommandations pour faciliter les choses pour les sportifs français.

Commission santé :

Le sport favorise et contribue à la prévention des troubles musculo-squelettiques et des troubles de la santé mentale et physique en mettant l’accent dans ses enseignements sur la nutrition, le sommeil, ou encore les principes généraux d’échauffement et de pratique sportive. Il est important de veiller à l’équilibre et au bien-être de nos apprenants en lien avec leur vie professionnelle future. Nous souhaitons que les activités de développement personnel ou d’entretien de soi puissent faire partie intégrante des contenus de formation que nous proposons dans le cadre de nos programmes de formation. Encore une fois, ce type d’enseignement, essentiel à la construction de l’identité et à l’épanouissement en pleine santé de nos étudiants, devrait faire partie intégrante des modules de formation valorisés en ECTS et confié à la responsabilité d’un directeur des sports dans les écoles. Nous encourageons le législateur à le formaliser de manière officielle, afin que cet axe ne soit pas laissé au bon vouloir des directeurs d’établissement.

Commission FFSU :

Le sport universitaire est un axe important de la vie de nos écoles et de nos apprenants. Grâce à la compétition sportive, nous formons également les femmes et les hommes de demain, responsables et autonomes, maîtres de leur engagement et habitués à mettre en œuvre les moyens et les objectifs à court, moyen et long terme. Nous travaillons en collaboration avec la Fédération Française du Sport Universitaire pour permettre à nos étudiants de s’épanouir au sein des structures sportives nationales et internationales, en construisant le lien entre le monde universitaire et fédéral. La difficulté réside ici dans les modalités de reprise des activités physiques et sportives à la rentrée de septembre et nous aurions besoin de précisions du MESRI (ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation) quant aux consignes sanitaires et aux modalités par activité. En effet, actuellement, plusieurs sources de communication coexistent et il serait opportun d’avoir une ligne directrice uniforme entre le MESRI, les fédérations françaises autonomes et le ministère des Sports.

Qu’est-ce qui a fait écho dans ton parcours et tes valeurs et qui t’a donné envie, aujourd’hui, de soutenir Ween Hub ?

J’ai rencontré Nicolas et Benoit par l’intermédiaire de Véronique Barré. Il me paraissait logique de s’intéresser à cette initiative car l’orientation des sportifs est un vrai problème qui n’est traité ni dans les fédérations ni dans les clubs car ils se focalisent en priorité sur la performance sportive.

Ween Hub de son côté, répond à un souci et une demande d’information et d’accompagnement professionnel et scolaire pour les sportifs. D’autre part, l’association s’occupe de plusieurs aspects comme la préparation mentale, la préparation physique ou encore le financement. Ces thématiques sont encore assez floues pour les sportifs qui se retrouvent souvent seuls face à ses questions ne sachant pas vers qui se tourner. Je discute avec des sportifs et beaucoup ne savent pas qui est le référent du suivi-socioprofessionnel de la fédération.

D’autre part je trouve le travail de Ween Hub très intéressant sur les questions du financement en faisant l’intermédiaire pour les sportifs. L’association pourra leur permettre de rencontrer de potentiels futurs partenaires sous forme de sponsoring ou de mécénat. On voit tous la partie émergée de l’iceberg avec les footballeurs professionnels qui gagnent énormément d’argent mais finalement, une grande majorité des sportifs doit travailler en parallèle pour continuer à pratiquer leur passion et financer leur saison.

De notre côté on se bat pour essayer de trouver des financements pour que notre école soit gratuite pour eux sur le modèle américain et Ween Hub participe au projet, c’est pour cela qu’on essaye d’aider.

 

 

Si vous aussi, vous souhaitez participer et rejoindre l’aventure Ween Hub, en tant qu’expert, partenaire, sportif ou personne intéressée par notre démarche, n’hésitez plus et adhérez ci-dessous !

 

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