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Interview Expert : Gérard Vaillant

Blog

Entretien avec un expert de Ween Hub

Performance

Publié le 16/04/2022

Ween Hub peut contribuer à amener les sportifs à comprendre qu’ils n’ont pas nécessairement besoin de faire des choix exclusifs

Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?

Gérard Vaillant, Breton, je suis originaire de Saint-Brieuc et exerce aujourd’hui à Rennes. J’ai fait mes études à Rennes en STAPS.
Passionné de volley, j’ai joué en Nationale 1 et eu le bonheur de faire partie de l’équipe de France militaire.
Titulaire du Brevet d’état 2ème degré, j’ai été coach et entraîné les équipes féminine et masculine du REC. A l’arrêt de ma carrière de volleyeur, alors que j’arrivais à l’INSA de Rennes comme professeur d’EPS, j’ai eu la chance d’entraîner l’équipe dans laquelle j'avais été joueur. Lorsque je suis arrivé à l’INSA de Rennes, j’ai monté une section sportive de haut niveau. Celle-ci permet aux étudiants de concilier le sport de haut niveau et des études d’ingénieur. Il est possible de faire du sport de haut niveau tout en faisant des études de haut niveau. C'est ce que j’ai voulu montrer à travers mes accompagnements et engagements.
Pour accompagner ces jeunes, je me suis posé beaucoup de questions sur la pertinence et le fonctionnement de mon travail.

Depuis quinze ans, je suis formé et certifié ActionTypes®, typologies d’actions motrices, préférences cérébrales et psychologiques. Comment utiliser son corps pour être performant ?
En 2010, j’ai suivi une formation au coaching professionnel en entreprise. Depuis, je suis donc coach certifié ACC par ICF - International Coaching Fédération. C’est une fédération de coach.
J’ai présidé l’antenne Bretagne-Pays de Loire pendant deux ans, tout en continuant à être prof d’EPS à l’INSA. Je suis coach à temps partagé. Mes clients sont les managers ou dirigeants d’entreprises, des particuliers ou des sportifs de haut niveau. Pour les sportifs je propose de dépasser l’entraînement des aspects mentaux pour y ajouter une dimension plus globale ou holistique. Comment se mettre dans une zone de fluidité pour pouvoir performer mais aussi mieux envisager les traversées du désert et les difficultés ?
Ces accompagnements permettent de mieux se gérer lors d’une montée en pression, d’un stress, mais également, aider à résoudre des problèmes ou traverser des moments difficiles.

J’ai aussi validé une formation certifiante en Neuroharmonisation®, méthode de thérapie brève, proche de l’EMDR® (Eyes Movement Desensitization and Reprocessing). Il s’agit d’un déplacement des yeux utilisé pour accompagner les traumatismes, que j’ai transformé en outil d’accompagnement du sportif de haut niveau pour travailler de façon brève et efficace.
Cette approche permet de travailler sur le stress, les émotions difficiles et facilite la performance en s’appuyant sur nos mécanismes inconscients. J’ai, depuis 5 ans, un label APPI avec l’INSEP, pour l’accompagnement de la Performance des sportifs, entraîneurs ou staff.
Les fédérations de Voile et de Tennis ont également validé mes compétences. J’accompagne de très nombreux sports : voile, kayak, volley, hand, gymnastique, cyclisme, tennis, triathlon, aviron, équitation… Pour les JO de Tokyo, j’ai eu le plaisir d’accompagner 3 sportifs ou encore le projet de Charlie Dalin sur le Vendée Globe 2020.

J’apprécie le fait de passer de l’accompagnement en entreprise à l’accompagnement de sportifs. Cela me permet d’amener une philosophie un peu sportive en entreprise, avec une orientation plus corporelle et compétitive dans la réussite. Et inversement, utiliser la posture et le formalisme du coaching en entreprise et pour des sportifs de haut niveau ou professionnels permettent aussi de transcender les aspects de préparation mentale afin d’accompagner globalement une personne dans son contexte.

Comment vois-tu l’évolution de la préparation mentale au sein des préparations des sportifs de haut niveau ?

Je pense que comme le préparateur physique il y a 10-15 ans, l’accompagnement des habiletés mentales va se développer à l’avenir.
Pour le moment, c’est encore souvent vu comme un aveu de faiblesse. Si tu appelais le préparateur mental, tu pouvais être considéré comme faible, comme j’ai pu en être témoin au sein d’une équipe de sport collectif. Mais cela a bien entendu évolué dans beaucoup de pratiques sportives. Par exemple, en ce qui concerne le Vendée Globe, quasiment tous les skippers de haut niveau ont déclaré qu’ils travaillaient avec quelqu’un.
J’ai lu dans la presse sportive que plus de 10 projets ont été accompagnés par un coach professionnel, un psychologue du sport ou un préparateur mental.
Cela devient un standard dans certains sports où les enjeux font qu’il relèverait presque de la faute professionnelle de ne pas travailler sur soi. Dans d’autres sports, il s’agit encore d’une intervention anecdotique, sollicitée en cas de problème seulement.
Selon moi, on ne peut être prêt mentalement. On ne peut pas anticiper les difficultés que l’on va rencontrer. Pour autant, il est essentiel de s’entraîner mentalement, de se préparer pour se gérer dans les moments difficiles et anticiper les possibles. Imaginer et envisager un maximum de cas de figures et se préparer à des états mentaux qui nous seraient favorables.

Quel accompagnement apportes-tu aux sportifs de haut niveau et/ou professionnel ?

 Je suis convaincu de l’interdépendance d’associer le sport et le développement des compétences pour anticiper son futur métier. Mais aussi comme un facteur d’équilibre personnel.  
J’accompagne Marie Bolou en voile Laser qui a participé aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo. Nous travaillons aussi sur son activité professionnelle, pour envisager la fin de sa carrière. Il est question d’appréhender la part de sa préparation sportive et la part de son temps accordé à l’entreprise. Marie met en évidence l’utilité pour sa performance d’avoir autre chose à côté. Comme une condition d’équilibre personnel.

Les sportifs ont besoin de créer des états mentaux particuliers pour certaines situations. Par exemple, un skipper m’a dit “j’aurais besoin à un certain moment d’être beaucoup plus agressif dans ma façon de naviguer”. Dans ce cas, on a imaginé la représentation de l’agressivité et comment inclure cette représentation dans son environnement (sur son bateau par exemple). C’est comme préparer cet état d’agressivité que l’on puisse convoquer lorsqu’il est nécessaire pour être plus performant.

A quoi est dû le développement de la préparation mentale dans certaines fédérations ? L’appréhension de l’après-carrière ? La recherche de meilleures performances ?

Je pense que ce développement de la préparation mentale a surtout pour objectif l’accompagnement pendant la carrière des sportifs de haut niveau.
Les tenants et aboutissants de cette équation ne sont pas simples, car variables d’une fédération à une autre. Certaines fédérations vont avoir un discours pro-étude et double projet. Quelques fois, il ne s’agit que de paroles, d’autres fois, ce sont de réelles préoccupations qui sont transformées en actes.
Si l’on considère les statistiques des centres de formation des sports collectifs professionnels, c’est bien légitime. Il s’agit d’une responsabilité sociale que d’obliger ce double projet.
Pour les sportifs de haut niveau, l’équation est différente. La charge très importante d’entraînement peut ne pas laisser le temps pour une formation. C’est pourquoi le travail proposé par Ween Hub, de rassembler, de communiquer, de faire savoir que les sportifs ne sont pas obligés de choisir entre le sport et les études, est très intéressant.
Le fait de garder une activité intellectuelle, une occupation, contribue au fait de ne pas se considérer seulement comme un sportif et permet ainsi d’appréhender plus facilement les obstacles, notamment après une blessure. Il est important pour un sportif de haut niveau d’avoir une activité qui dépasse et transcende le sport. C’est un peu comme ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

Qu’est ce qui a motivé ton investissement dans l’accompagnement des sportifs ?

J’ai toujours apprécié la partie psychologique de mes études en STAPS. Je n’ai malheureusement pas pu en bénéficier en tant que sportif de haut niveau, mais je souhaitais conserver cette proximité avec les sportifs, aider les sportifs à atteindre leurs objectifs et un meilleur niveau. C’est ce qu’il m’a manqué durant mon parcours de sportif.
Mais c’est surtout une rencontre et un événement particulier qui m’ont amené à me diriger vers l’accompagnement des sportifs. Il y a 20 ans de cela, j’ai accompagné comme son référent de section SHN Armel le Cléac’h, alors étudiant à l’INSA. Au moment de son choix entre la poursuite de sa formation INSA ou l’option de s’investir totalement avec le Pôle France de Voile habitable de Port La Forêt. En travaillant avec Armel sur sa prise de décision, je me suis rendu compte de la difficulté de gérer mon avis et respecter ses choix : est-ce que je ne l’avais pas influencé ? Ou même mis en danger ? Qui suis-je finalement pour le conseiller ? Et finalement, à l’arrivée du Vendée Globe en 1999, son entraîneur m’a avoué avoir eu du mal, à l’époque, à comprendre ma position. Il a eu peur, vu l’incertitude de l’avenir, de devenir professionnel dans la voile, même si ce choix s’est finalement avéré judicieux vu le superbe parcours d’Armel.

C’est vrai qu’il est très difficile pour un coach d’accompagner sans influencer, ou d’influencer mais tout en suivant une déontologie, une éthique professionnelle. C’est pourquoi j’ai ressenti le besoin de me former et d’apprendre à accompagner professionnellement. J’ai appris à être préparateur mental, coach en entreprise, à développer tout un tas de savoirs, pour accompagner les moments de performances et/ou de difficultés que des personnes, sportifs de haut niveau ou non, traversent dans la vie.

Pour toi, qu’est-ce qu’un accompagnement réussi ?

Dans un premier temps, il est nécessaire que le sportif soit demandeur d’être accompagné. Puis il est à même de déterminer ses objectifs, c’est-à-dire d’avoir de l’espace pour exprimer ses envies et ambitions.

Je fais souvent la différence entre l’objectif et le résultat. Selon moi, l'objectif c’est lorsque l’on est sur la ligne de départ et que l’on voit la ligne d’arrivée. De mon côté, j’apprécie le fait d’amener un sportif à s’imaginer atteindre le résultat attendu. Par exemple, pour un sportif en reconversion, je lui demande de s’imaginer dans la situation idéale de reconversion cinq ans plus tard. Quel est ce contentement qu’il vise ? Quels ressentis ?
Selon moi, il est important de vivre la finalité de ses choix actuels. Un coaching réussi c’est, pour un sportif, d’être capable de bien clarifier ce qui vibre en lui et ce qui l’anime.

Dans un second temps, c’est comprendre, pour les sportifs qu’il existe un contrat clair entre nous : j’accompagne la personne dans la connexion de ses ressources et dans la traversée des difficultés émotionnelles.
Il s’agit d’être capable de mobiliser ses ressources pour réussir. Être coach, c’est accompagner la progression des sportifs. Cela implique une attention à la distance relationnelle assez proche pour un travail de fond assez intime et aussi une distance permettant de se dire les choses. Pour ma part, je propose un contrat court avec une date de début et une date de fin.
On est évidemment très content quand il y a des victoires et triste quand il y a des défaites.

Qu’est-ce qui a fait écho dans ton parcours et tes valeurs et qui t’a donné envie, aujourd’hui, de soutenir Ween Hub ?

J’ai beaucoup apprécié l’aspect de hub, le fait de travailler ensemble. Cela fait sens pour moi avec mes formations en Neuroharmonisation®. C’est comme si on en venait à se connecter les uns aux autres, à créer des passerelles entre nous, comme le feraient les neurones, pour pouvoir nous enrichir mutuellement.
Il y a cet aspect de rencontre humaine avec des gens que je découvre, que j’apprécie et que j’ai envie de côtoyer plus souvent pour avancer sur ces sujets d’accompagnement des sportifs de haut niveau.

En effet, dès sa création, j’ai trouvé le projet très participatif, même pendant les réunions à distance, durant la période de Covid19.  Je pense que le milieu sportif peut s’affranchir de cet esprit de compétition entre les experts, dont il peut être victime, grâce à la supervision et la volonté de donner et de recevoir.
Il y a aussi l’entraide du milieu sportif, qui correspond à un positionnement que j’adore. J’apprécie cette opportunité de pouvoir aider. Il n’y a pas suffisamment d’accompagnement à la fin de la carrière des sportifs de haut niveau pour faire face à cette « petite mort » qui provoque souvent des difficultés personnelles.
On adore suivre des sportifs de haut niveau et leurs performances lors des compétitions internationales, et des fois, on oublie qu’ils doivent aussi se préparer à un après. Ils ne pourront pas pratiquer un sport toute leur vie. Cet après, s’il peut être mieux accompagné par des compétences d’expertise comme Ween Hub agrège, c’est l’idéal.

Selon toi, qu’est-ce que peut apporter Ween Hub aux sportifs et à ceux qui ont arrêté leur carrière ?

Ween Hub peut contribuer à amener les sportifs à comprendre qu’ils n’ont pas nécessairement besoin de faire des choix exclusifs.
Le sportif peut souhaiter et/ou trouver intéressant de faire des études ou une formation professionnelle, répartie dans le temps. Il est souvent question de préparer un risque de blessure, alors que cela va bien plus loin que cela.

C’est selon moi aussi une condition de performance. Etre bon dépend de tout un tas de paramètres dont le bien-être de la personne. L’équilibre psychique et le niveau de tension du sportif sont essentiels pour la réussite de tout sportif.
S’il n’est que sportif de haut niveau, il manque un pied au trépied. En cas de blessure ou autre difficulté à traverser, le sportif qui n’a pas souhaité réfléchir au préalable à cette reconversion peut vite être déstabilisé.

L’autre élément que Ween Hub met en avant, par sa construction en forme d’agrégat et de réseau, est la nécessité de savoir bien s’entourer. Le point commun qui réunit les sportifs de haut niveau visant la haute performance réside dans la préparation physique et la préparation mentale. La performance ne peut s’imaginer sans ces facteurs. Nous sommes tous différents, on a besoin d’être accompagné judicieusement pour la performance ou pour traverser des épreuves. Il s’agit aussi pour les sportifs de prendre appui sur ce que Howard Gardner a mis en évidence avec les intelligences multiples. On oublie trop souvent que les sportifs disposent d’intelligence collective, relationnelle, et que leurs identités de sportifs n’excluent pas d’être pourvu des intelligences mathématiques et littéraires.
Elles ne sont pas exclusives les unes des autres.

Qu’est-ce que les commissions métiers t’ont apporté jusque-là ?

J’ai trouvé dans cette commission un nombre important d’experts avec des trajectoires et des compétences, humaines et professionnelles très variées pour un accompagnement pertinent des sportifs. C’est une histoire de réseau, de travail collectif et de solidarité. Le point fort de Ween Hub réside dans son rôle d’agrégateur de nos visions différentes.
C’est intéressant de se confronter à des personnes qui vont avoir des problématiques et besoins divergents et ces commissions métiers nous permettent justement d’apprendre à nous connaître afin que l’on puisse se recommander les uns les autres. Cela permet de proposer une réponse globale et cohérente aux sportifs.

A travers cette démarche collaborative avec Ween Hub, que souhaites-tu apporter ou transmettre ?

J’ai une dizaine d’années d’expérience ainsi qu’une connaissance de l’enseignement supérieur et de l’aménagement des études, avec plus de 500 heures de coaching professionnel avec des sportifs de haut niveau à accompagner les aspects mentaux de la performance, je pense être en mesure d’amener des idées que d’autres experts n’auraient peut-être pas.
Le projet de Ween Hub nous permet de nous rassembler, de nous enrichir du positionnement des autres et d’avoir une démarche complémentaire.
Maintenant, le projet doit avancer et se structurer pour répondre aux besoins des sportifs. Ce projet doit savoir communiquer sur ce développement des compétences professionnelles et valoriser les compétences que les SHN ont développées durant leurs carrières. Il doit également mobiliser les entreprises et leur Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE). Les entreprises peuvent concrètement participer à la réussite sportive et au développement des compétences qu’ils pourront mobiliser. Un deal Win Win !   



Interview réalisée en avril 2022