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Interview Expert : Maëven Dauce

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Entretien avec un expert de Ween Hub

Performance

Publié le 11/01/2023

Je voulais montrer qu’en entraînant son cerveau de la même manière qu’on entraîne son corps, il est possible de se protéger des blessures et de réduire le risque de commotion.

Peux-tu te présenter en quelques mots et présenter ta structure ?

Je m’appelle Maëven Dauce, j'ai fait une licence en gestion des entreprises puis j’ai enchaîné sur un master en management du sport.
C’est à l’issue de ce master que j'ai créé et développé la structure AGON. C'est une start-up qui a pour projet de développer des solutions d'entraînement pour optimiser les capacités cognitives des sportifs grâce à la réalité virtuelle.

Quand on parle de capacités cognitives, c’est tout ce qui touche au traitement de l'information, la prise de décision, la mémoire et l'attention. AGON propose différentes applications à travers un casque de réalité virtuelle. Nous avons ensuite développé un système de tableau de bord qui permet de comprendre et d’analyser les données afin de cibler les points forts et points faibles de l’athlète. Grâce à ces données, il est possible de mettre en place des entraînements adaptés au sportif et à sa discipline, en fonction de ses besoins.

Cette analyse est-elle compatible avec les sports collectifs ?

Je suis issue du monde du rugby et à l’origine AGON est la matérialisation des différentes réflexions que j’ai eues sur ce sport, notamment sur la partie commotion cérébrale.
Je voulais montrer qu’en entraînant son cerveau de la même manière qu’on entraîne son corps,il est possible de se protéger des blessures et de réduire le risque de commotion.

De ce fait, le système d’AGON s’adapte aussi bien aux sports individuels qu’aux sports collectifs. Les deux sont intimement liés car nous travaillons beaucoup sur la prise de décision et la capacité à réagir vis-à-vis des adversaires et des coéquipiers du sportif. On peut donc le décliner facilement pour tout type de sport. Quand nous accompagnons des sportifs collectifs, notre objectif est d’intégrer notre système d’entraînement au sein de leur agenda sportif hebdomadaire, au même titre que des séances de musculation ou de cardio.
Ce sont des séances qui ne durent pas plus de 20 minutes, une à trois fois par semaine et qui peuvent différer en fonction de l’évolution des besoins des sportifs sur le terrain.

Ce travail cognitif est-il préconisé avant, après ou pendant la carrière du sportif ? Est-il important de travailler cet aspect dès le plus jeune âge ?

La prise en compte de la cognition dans le sport et de l’importance de l’entraînement cognitif est très novatrice et récente. Depuis nos débuts, nous travaillons pour comprendre et adapter l’entraînement cognitif selon les âges. Un travail cognitif sur un sportif de 35 ans ou de 15 ans n’aura pas le même impact.
Avec AGON, nous nous concentrons surtout sur les sportifs en carrière âgés de 20 à 30 ans.
Il y a également un intérêt grandissant chez les jeunes en centre de formation et nous souhaitons développer cette cible chez AGON.

Quelles sont vos ambitions avec AGON ?

Nous souhaitons principalement démocratiser les méthodes d’entraînement cognitif. Et montrer que ce type de travail avec des outils innovants est tout aussi important que des séances dites « classiques » d’entraînement.
Nous souhaitons montrer que ce qui se passe dans le cerveau d’un sportif a un impact direct sur sa carrière.
Il faut casser les clichés du rugbyman, par exemple, qui n’aurait pas besoin de son cerveau pour performer. C’est en apportant des résultats concrets qu’on arrive à convaincre le monde du sport, à démocratiser cette méthode de travail et c’est là toute l’ambition d’AGON.
D’un autre côté, AGON travaille énormément avec deux laboratoires, à Lille et à Poitiers pour labelliser ces solutions. L’objectif est de valider et légitimer les solutions que nous proposons afin de pouvoir les décliner vers le sport amateur. C’est sur cet aspect scientifique que nous investissons majoritairement, favorisant ainsi nos capacités en Recherche & Développement.

Que voit un sportif quand il enfile son casque ? Quel est le processus ?

Tout le développement du casque de réalité virtuelle est issu de tests neuro-standards.
Nous récupérons ensuite ces données pour concevoir des environnements en réalité virtuelle. Ces environnements sont neutres, pour que tous les sportifs puissent s’immerger au mieux.
Cela nous permet également de toucher un maximum de sportifs issus de différentes disciplines. Nous avons 2 modules validés composés de 34 variables d’entraînement chacun et variant en fonction des besoins du sportif. Il existe notamment plusieurs tests d’entraînement aux scénarios évolutifs ainsi que des tests d’évaluations identiques pour chaque sportif. Ces tests d’évaluation sont cruciaux pour mesurer la progression du sportif durant l’accompagnement. Chaque test intervient après une dizaine d’entraînements.
Nous pouvons ainsi mesurer l’évolution des capacités cognitives des sportifs via des résultats concrets, ce qui leur permet d’avoir des repères de progression et de mieux comprendre l’intérêt de ce nouveau type d’entraînement que nous proposons. Les protocoles d’entraînements peuvent s’apparenter à des programmes que l’on retrouve en musculation : les sportifs individuels et sportifs collectifs ne vont pas travailler de la même manière car ils n’ont pas les mêmes facultés de départ ou les mêmes façons de travailler et performer au sein de leur discipline.

Quelle est l’approche des entraîneurs et des structures pour cette nouvelle manière de travailler ?

Cela dépend vraiment de notre interlocuteur et de l’enjeu du sportif.
Aujourd’hui le sport de haut niveau se joue sur des détails et le sportif est à la recherche du 1% supplémentaire qui va le rendre meilleur que son adversaire. L’entraînement physique et les tactiques prennent une place significative dans la performance d’un joueur mais je suis persuadée que le cognitif peut avoir un impact au moins égal.
Notamment pour un athlète de haut niveau, cela lui permettrait de dépasser un plafond de verre potentiel et d’atteindre ce pourcentage de performance supplémentaire.

Je connais plutôt bien l’environnement du rugby, notamment le top 14. Les rugbymen sont très ouverts à cette méthode de travail. Notre objectif est de travailler avec les coachs, préparateurs physiques et mentaux ainsi que toutes les personnes qui s’occupent des athlètes.
D’un autre côté, il arrive que l’on soit confrontés à des personnes réticentes, surtout par peur d’être remplacées par la technologie. Nous n’avons pas la prétention de remplacer les membres d’un staff mais seulement d’apporter un outil supplémentaire à disposition du sportif. Le tout est de comprendre la personne qu’on a face à nous afin de trouver les bons arguments. Il y avait une époque où l’on se demandait si les séances de musculation étaient intéressantes pour le sportif tandis qu’aujourd’hui on ne se pose plus la question.
Je peux comprendre que des personnes se questionnent sur ce travail cognitif car c’est très récent mais dans quelques années il apparaîtra comme une évidence et une référence pour tous les athlètes français. Globalement les sportifs sont assez curieux et se font un plaisir de découvrir notre innovation et de participer à nos séances. Puis ils sont d’autant plus satisfaits quand ils se rendent compte des bénéfices de ces nouvelles méthodes sur leurs performances.

Avez-vous eu un moment marquant avec un sportif ?

Oui, il y a une joueuse de rugby qui s’entraînait avec nous depuis plusieurs mois et assez régulièrement lorsqu’elle a reçu un choc à la tête lors d’un entraînement mais ne nous avait pas informés de ce choc. Lors du test, j’ai vite constaté que ses résultats étaient anormalement mauvais. En analysant les résultats j’ai tout de suite compris qu’elle avait été victime d’une commotion cérébrale. À la suite de ça, on a pu travailler ensemble et en adéquation avec son staff. On a décidé qu’elle ne retournerait pas sur le terrain tant que ses résultats n’étaient pas similaires à ceux précédant la commotion.
Grâce à cet accompagnement cognitif nous avons pu limiter le risque de rechute et de blessure plus grave, ce qui n’aurait sûrement pas été le cas si elle n’était pas retournée nous consulter. Ce genre d’évènement marquant nous montre qu’il y a un réel intérêt derrière notre travail car nous avons pu adapter le temps de récupération de la joueuse, qui fut finalement beaucoup plus important que le temps de récupération classique pour une commotion. 

Comment as-tu connu Ween Hub et qu’est ce qui t’a donné envie de contribuer au projet ?

J’ai rencontré Nicolas LELIEVRE par l’intermédiaire d’un étudiant qui faisait son stage chez Ween Hub. Quand Nicolas m’a présenté l’association je me suis reconnu dans les valeurs d’accompagnement de sportifs dans tous les aspects. Par la suite j’ai eu la chance de participer à un évènement Ween Hub à Rennes qui avait pour sujet l’après-carrière des sportifs et j’ai trouvé cela super intéressant même si ça n’était pas mon domaine de base.
Ce que j’apprécie c’est que Ween Hub n’accompagne pas uniquement des sportifs qui gagnent très bien leur vie mais surtout des sportifs en formation ou en carrière qui manquent parfois de moyens.
L’association permet de les orienter vers un panel d’experts pouvant répondre à tous leurs besoins. Je pense réellement que c’est avec ce genre d’association qu’on peut faire passer des messages et sensibiliser les sportifs et institutions sportives.  



Interview réalisée en novembre 2023

Agon

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