Peux-tu te présenter en quelques mots ? Quel est ton domaine d’expertise ?
Je m’appelle Frédéric Simiand, j’ai 53 ans, et j’habite à Paris. J’ai étudié les mathématiques appliquées, jusqu’à un doctorat, que je n’ai pas soutenu. Je suis entrepreneur. J’ai réalisé la quasi-totalité de mon parcours professionnel au sein de PME ou d’ETI. J’ai travaillé au début de ma carrière à l’Institut Français du Pétrole (IFPEN) dans la simulation de la formation de gisements pétroliers. Depuis 25 ans, je travaille dans le domaine du service numérique et informatique. Pour autant, je dirais que mon expertise réside dans le business développement. Je suis actuellement directeur général de la structure NEA IDF. Il s’agit de la filiale en IDF d’un groupe de 500 collaborateurs disposant d’un agrément Entreprise Adaptée : le Groupe NEA. L’agrément Entreprise Adaptée suppose que la majorité des salariés du groupe est en situation de handicap : plus de 80% des collaborateurs pour le groupe NEA. Notre mission est d’accompagner leur retour et leur maintien en emploi, d’adapter leur poste de travail… et finalement de rendre la société plus inclusive. Nous ne sommes pas tous dotés des mêmes aspirations, aptitudes et capacités : ma mission consiste donc, d’une part, à accompagner les entreprises dites « classiques » dans leur mutation pour prendre en compte l’inclusion de travailleurs handicapés et, d’autre part, à aider ces salariés à évoluer professionnellement vers une autonomie leur permettant d’intégrer ces entreprises.J’ai construit ma passion pour les victoires collectives, professionnelles et sportives, en jouant au rugby. Que ce soit dans le sport ou dans le monde de l’entreprise, pour générer la performance il est primordial de créer des synergies entre des profils très différents. C’est ce qui fait la force du collectif !
Quel a été ton parcours sportif ?
J’ai joué près de 20 ans au rugby en compétition et une dizaine d’année à un niveau qui était à l’époque l’équivalent de la ProD2 et du Top 14 actuels, avec quelques sélections en équipe de France militaire, qui regroupait des jeunes hommes évoluant en Groupe A (Top 14) et effectuant leur service militaire (le Bataillon de Joinville).J’ai commencé le rugby à 17 ans. Mais avant cela, j’ai pratiqué l'aïkido, un art martial qui m’a énormément appris sur les plans de la discipline individuelle et de la philosophie. Concernant le rugby, j’étais principalement attiré par le dépassement collectif et la reconnaissance du groupe… une autre philosophie plus grégaire également. J’ai débuté le rugby à Chambéry en scolaire. J’ai ensuite intégré le club phare local (le SOC) en junior Reichel, puis l’effectif de l’équipe fanion à un niveau élite / fédérale 1. Puis j’ai joué successivement à Grenoble (FCG), au Racing 92 (qui se nommait Racing Club de France à l’époque) et j’ai terminé ma carrière à l’ACBB. Lorsque j’étais étudiant et joueur à Grenoble, j’ai eu la chance d’effectuer mon service militaire au Bataillon de Joinville et d’être sélectionné en équipe de France militaire contre l’Angleterre, la Russie, la Namibie.
Quel événement a particulièrement marqué ta carrière sportive ? Et pourquoi ?
Le fait d’être sélectionné au Bataillon de Joinville et de jouer en équipe de France militaire fut une grande satisfaction. J’étais considéré comme un joueur de haut niveau, avec une préparation physique intense, des séances de musculation et deux entraînements par jour. Je l’ai vécu comme un événement très positif dans ma carrière de sportif.A l’inverse, un autre événement qui a marqué ma carrière est son premier arrêt qui fut brutal, bien que volontaire, lorsque j’avais 30 ans. Ma compagne attendait un enfant, j’étais thésard et il fallait gagner ma vie, alors j’ai commencé à travailler dans une startup informatique en 1995. J’ai arrêté le rugby 2 ans plus tard, en croyant répondre aux attentes de la start up dans laquelle je travaillais. Puis je n’ai plus fait de sport pendant 3 ans, en réaction à cet arrêt violent.10 ans plus tard, j’ai pris conscience du fait que j’avais arrêté le sport en compétition trop brutalement. Je n’étais pas prêt psychologiquement à arrêter, ni même physiquement, puisque j’étais encore en forme. J’ai compris ce que l’on pouvait appeler la “petite mort du sportif”. J’avais perdu tous ces liens sociaux qui m’avaient marqué pendant des années. J’étais en rupture avec ce monde sportif, qui m’avait permis de m’engager physiquement et de satisfaire mon besoin d’œuvrer « pour le groupe » : dans le milieu professionnel, ni les liens, ni la reconnaissance, ni même les enjeux, n’étaient les mêmes, et ne me semblaient pas de la même intensité que ce que j’avais vécu sportivement.
Quelles leçons peux-tu en tirer ?
Ce choix, comme beaucoup de sportifs de haut niveau, je l’ai fait trop tôt, trop rapidement et trop brutalement en essayant de réaliser un transfert total du monde du sport vers celui de l’entreprise en très peu de temps. Il m’a valu une déception immense pendant un certain temps.Afin de prendre la meilleure décision, je pense qu’il faut se connaître soi-même, voir ce qui est important pour soi et savoir s’écouter bien entendu. Il faut réellement se connaître en termes d’aspirations et comprendre ce qui est important pour soi. Ce n’est pas évident, aussi bien à 18 ans qu’à 30 ans, pour des raisons différentes.Que l’on fasse un sport individuel ou collectif, l’arrêt de la pratique d’un sport signifie une perte conséquente de repères. C’est difficile de trouver des équivalents.Je pense aussi qu’un élément clé réside dans l’accompagnement. Être entouré et conseillé, de manière objective et avec du recul, devrait permettre à chaque sportif de prendre les meilleures décisions pour son parcours.
Selon toi, jusqu’où un sportif est-il prêt à aller pour s’accomplir dans son sport ?
Tout dépend des aspirations et des objectifs de chaque sportif. La notion même de dépassement de soi va dépendre d’un athlète à un autre, d’un entraîneur à un autre.Il y a une trentaine d’années et même encore aujourd’hui, certains athlètes étaient prêts à se doper par conviction, pour satisfaire leur besoin de réussite ultime, sans même espérer de reconnaissance du grand public.Les sportifs se retrouvent parfois tellement cantonnés à leur identité athlétique, qu’ils peuvent aller très loin dans le dépassement de soi, ce qui peut en amener certains à la tricherie, à des excès voire à la blessure. Un déséquilibre peut exister chez le sportif du fait du décalage entre sa perception des attentes de l’environnement et ses propres aspirations.Il existe aussi des situations où des sportifs peuvent tomber dans les mains d’un entraîneur qui sera prêt à tout pour la réussite de son athlète donc la sienne. Un athlète est d’autant plus préparé à le sentir qu’il est lui-même suffisamment équilibré.
Selon toi, qu’est-ce qui caractérise une “reconversion” réussie ?
Je considère qu’une “reconversion” professionnelle d’un sportif de haut niveau est réussie lorsqu’elle est assumée. Notamment lorsque celle-ci intervient à un moment où le sportif est totalement en accord avec ses aspirations et a conscience de ses compétences (soft skills et hard skills). Cela suppose d’avoir travaillé en amont pour, simultanément bien gérer sa carrière sportive et sa carrière professionnelle.Toute reconversion n’est pas voulue malheureusement, c’est généralement le cas lors de blessures et que tout bascule. Un accompagnement peut permettre de préparer ces possibilités et aléas qui font partie de la vie d’un sportif et qui sont incontrôlables, afin qu’un sportif ne soit pas pris au dépourvu peu importe le sens que sa carrière d’athlète prend.
A travers ton activité principale, cherches-tu à accompagner et à intégrer des anciens sportifs de haut niveau/professionnels ?
Oui, le Groupe NEA accompagne notamment depuis 5 ans la paratriathlète Elise Marc, double championne du monde de triathlon et ingénieure. C’est une sportive résiliente, qui s’est souvent vue confronter à des challenges qu’elle a relevés avec brio.Compte tenu du fait que sa catégorie ne pourra concourir aux Jeux paralympiques de Tokyo, elle doit dorénavant se préparer pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, à Paris.
Pourquoi as-tu souhaité participer à la création de l’association Ween Hub ?
La reconversion des sportifs est un sujet qui me passionne. Je me souviens que le sujet de la reconversion et des partenariats entre les entreprises avait été évoqué dans le Pacte de Performance, créé par Thierry Braillard en 2015, alors qu’il était Secrétaire d’Etat au sport. L’objectif était de réunir des entreprises autour des sportifs olympiques pour sécuriser leur parcours avant les jeux de Rio en préparant leur reconversion. Cela semblait nécessaire compte tenu du fait que de nombreux sportifs olympiques ou paralympiques gagnaient seulement le RSA. Mais le sujet n’avait à l’époque souvent pas dépassé les contrats d’image entre les entreprises et les sportifs, ce qui ne répondait pas suffisamment à l’enjeu de la reconversion des sportifs, selon moi.Il y avait quelque chose à faire, de conséquent. Comment aider les sportifs ? Comment les accompagner pour leur permettre la meilleure reconversion possible ? Comment les faire monter dans la barque du professionnel ?En tant que membre des Anciens du Racing, j’ai souhaité qu’on aborde le sujet de la reconversion. Le Président de l’association partageait mon point de vue : on devait trouver un moyen d’accompagner nos membres dans leur reconversion.A l’origine, ma vision de la reconversion du sportif était surtout centrée sur le rugby. Et puis c'est en discutant de cette possibilité de développer des parcours adaptés pour les joueurs de rugby avec Benoît que j’ai compris que ce projet pouvait s’adapter à tous types de sport.Benoît m’a permis d’avoir une vision plus globale, avec des problématiques de reconversion qui sont communes à beaucoup de sportifs.
Quel est ton rôle dans l’association ?
Je suis secrétaire général de l’association. Je m’occupe de faire des comptes-rendus après les réunions, les AG (rire)… et j’essaye de contribuer à faire progresser WeenHub…
Quels sont, selon toi, les prochains objectifs de l’association ?
L’association continue de se développer en dépit de la situation actuelle.Je pense que les deux prochains objectifs vont être, d’une part, defédérer les entreprises, d’autre part, d’accompagner plus de sportifs dans la définition et la mise en œuvre de leurs projets.