Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Séverine Collombat et je suis une ancienne joueuse de rugby professionnelle.

J’ai 39 ans, j’ai un conjoint Lucas avec qui nous avons deux enfants qui ont aujourd’hui 8 et 10 ans

J’ai commencé toute petite à l’école de rugby au LOU (Lyon Olympique Universitaire) avec les garçons, car à l’époque il n’y avait pas beaucoup de filles. J’ai fait mes premiers pas sur le terrain en 1989 et après je n’ai plus jamais décroché. J’ai joué à haut niveau jusqu’en 2009 et puis j’ai dû arrêté en raison d’une opération du genou pour des ligaments croisés.

Par la suite j’ai été maman en 2011 et 2013 et j’ai repris un peu le rugby de 2014 à 2016 en Corse car la pratique de ce sport me manquait. Ce n’est pas tellement le ballon qui me manquait mais plutôt les valeurs que ce sport véhicule, les copines, l’ambiance. Des années après, on a du mal à décrocher, mais d’un autre côté, c’est le seul sport que j’ai pratiqué.

J’ai vraiment arrêté le rugby en 2016 et le haut niveau en 2009. J’ai eu quelques titres de championne de France notamment avec Montpellier. J’ai fait des sélections en équipe de France de 2007 à 2008, joué des matchs au Tournoi des Six Nations, en Coupes d’Europe.

Etait-ce une sorte de tradition familiale le rugby chez toi ?

Ce n’était pas vraiment une tradition familiale parce que mon père pratiquait le foot mais mon grand frère faisait du rugby. Lorsque mes parents sont allés inscrire mon petit frère, de deux ans mon cadet, au rugby, je les ai accompagnés. Un jeune éducateur me voit sur le bord de la touche et il me propose de venir jouer, donc je vais voir mon père pour lui dire que j’ai envie d’aller jouer et il me dit d’y aller. Mais par contre il me dit « tu ne viens pas pleurer ». Il me prépare malgré lui au combat ! J’accepte donc le challenge et grâce à cet éducateur j’ai fait mes premiers pas sur la pelouse et je ne l’ai plus jamais quittée. Il n’en a probablement pas conscience mais cette rencontre a conditionné ma vie.

Concours de circonstances, ma mère devait m’inscrire à la danse le mercredi d’après, et c’est finalement pour le rugby que j’ai opté.

A travers ton parcours sportif, quelles ont été les victoires sportives qui t’ont le plus marqué et que tu aimerais partager ?

Je pense que ma victoire la plus marquante est le titre de championne de France élite à Grenoble en 2007 avec Montpellier. C’était une journée de finales et c’était tout simplement extraordinaire. C’est vrai que c’est un souvenir très marquant parce notre groupe fonctionnait bien, on avait des coachs très compétents, qui avait vraiment compris le sens du rugby féminin. On était une équipe de filles, on s’entraînait plusieurs fois par semaine, j’étais même en collocation avec des filles de l’équipe. C’était mon premier titre de championne de France en élite. Avant on avait eu des titres de championnes de France en fédéral 3, en élite 2 mais celui-ci était un peu le graal.

Après avoir obtenu ce titre pour toi il n’y avait rien de mieux que ça ? Etais-tu satisfaite ?

C’est vraiment mon souvenir marquant, après c’est vrai que ma première sélection en équipe de France, à titre individuel c’est aussi mémorable. En plus cela est arrivé en fin de carrière et ce fut la consécration de toutes ces années sur la pelouse. Je n’ai pas pu la chanter ma première marseillaise, il y avait trop d’émotions. J’affectionne les valeurs de combativité, d’humilité, de respect, de solidarité que véhicule ce sport. Ces valeurs m’ont aidé à me construire et font de moi la femme que je suis aujourd’hui.

Ta découverte du rugby est-elle ton meilleur souvenir de la pratique de ce sport ?

Oui c’est cet éducateur qui est allé au-delà des clichés et qui a dit que finalement le sport n’a pas de genre. Ce jour-là il a planté une graine, il ne sait pas qu’elle a germé mais je trouve que c’est beau parce que ça montre que dans le sport, il y a des espaces de rencontre, avec soi d’abord, puis avec les autres. Oui pour moi c’est ce souvenir qui est assez caractéristique et qui a finalement marqué toute ma vie. Tous mes choix d’après ont été conditionnés par cette passion qui est née en moi. Mes parents aussi qui ont accepté de ne pas respecter ce schéma genré.

Il y a eu d’autres filles au fur et à mesure des années ou étais-tu la seule ?

J’ai fait toute mon école de rugby seule, j’ai dû rencontrer peut-être deux ou trois filles mais c’est vrai qu’à l’époque à l’école de rugby mixte il n’y avait vraiment pas grand monde. J’ai continué jusqu’en minime, après j’ai pu continuer en cadette à Rillieux-la-Pape. Il y a eu une période de latence parce qu’à l’époque il y avait très peu de sections cadettes donc j’ai dû attendre d’avoir 18 ans pour pouvoir rejouer. La reconnaissance du sport féminin et qui plus est dans des sports dit masculins, arrive seulement maintenant et c’est énorme de voir les filles jouer contre l’Angleterre sur France 2. Le chemin est encore long mais nous avons emprunté la bonne voie.

Même pour le statut des joueuses, j’imagine que tu étais professionnelle mais peut-être sans statut professionnel, du coup tu devais avoir un double projet avec un emploi à côté ?

Mon double projet c’était de mener ma carrière sportive et de pouvoir manger. Donc je travaillais à la banque, j’avais un poste en agence, puis au siège mais affectivement ça a été très difficile à gérer et surtout dans les dernières années. J’avais le haut niveau, l’équipe de France et finalement moi j’étais dans une entreprise privée. Je sais que dans les entreprises publiques il y a des aménagements à faire mais dans le privé il y avait aussi des obligations de résultats. Il y a un match du tournoi des six nations où je n’ai pas pu me rendre parce que l’entreprise n’a pas pu me libérer. C’est vrai que ce manque de reconnaissance dans le sport féminin a été vraiment difficile. Après j’en ai fait une force parce que quand tu n’es pas légitime en dehors tu essayes d’être légitime sur le terrain donc tu as envie de te dépasser pour te dire que tu as ta place. Mais c’est vrai que ce n’est pas facile à gérer et je pense que je n’ai pas été la seule à vivre ça.

Aujourd’hui quelle est ton activité principale ?

J’ai quitté la banque l’année dernière et j’ai repris des études. Je suis actuellement en troisième année de licence STAPS pour ensuite travailler dans le sport et la santé. Maintenant je vis en Corse et j’aimerais développer le sport santé en Corse.

En 2018 je suis tombée malade, j’ai eu pas mal de traitement, ça a duré à peu près huit mois. Ça a été un accélérateur parce que la maladie ça modifie le rapport au temps, surtout que quand on a été sportif et autant passionnée, il y a toujours des émotions fortes qui sont là et on a toujours besoin d’être passionnée, animée, motivée. J’ai rencontré de formidables personnes dans le milieu bancaire mais l’activité en elle-même ne me passionnait pas.

La maladie a fait un peu accélérer les choses et finalement j’en ai tiré du bon parce que j’ai été, de ce fait, sensibilisée sur les questions de la santé. Et  j’avais cette passion pour le sport avec toutes les valeurs que ça véhicule et notamment ce pouvoir fort de lien social. J’étais sur mon canapé au mois de juin 2019 et je me suis dit que c’était ça que je voulais faire, le sport et la santé. Pour l’avoir vécu, pratiquer une activité physique comme la marche, permet de récupérer plus facilement.

Qu’est ce qui a fait écho dans ton parcours et donné envie de rejoindre Ween Hub ? Comment es-tu devenue adhérente ?

 J’ai eu Benoît Moneuse, j’ai eu Charlotte (de Bruyn) et j’en avais beaucoup entendu parlé par Raphaël Frasca qui est coach mental et qui m’avait dit que mon expérience pourrait servir.

J’ai rencontré des difficultés pendant ma carrière, à allier la vie professionnelle et la carrière sportive, et je pense qu’à l’époque si j’avais eu les outils, si j’avais rencontré les bonnes personnes (sachant que je savais que je ne voulais pas faire carrière dans la banque), cela m’aurait donné confiance en moi dans d’autres domaines que le rugby et peut être que je serai arrivée là où j’en suis maintenant plus rapidement. Donc peut être que Ween Hub qui mutualise tous les moyens, toutes les connaissances aurait pu me faire gagner du temps et avec ses connaissances m’orienter vers d’autres filières. Je sais maintenant qu’il y a des formations qui sont possibles quand on est sportif de haut niveau mais je ne le savais même pas à l’époque. Après j’étais dans le rouage de mes entraînements, de mes matchs et finalement je m’en sortais tant bien que mal. C’est vrai que si j’avais rencontré des personnes m’aider déjà à mieux me connaître, me donner confiance en moi, m’orienter car maintenant j’y suis arrivée avec la force de l’âge, avec l’expérience mais à l’époque c’était plus compliqué. C’est vrai que STAPS m’avait traversé l’esprit mais je ne me sentais pas capable de le faire. Donc Ween Hub c’est un outil qui est à disposition et qu’il faut saisir.

Tout à l’heure tu disais que l’entreprise ne comprenait pas et ne s’adaptait pas à ta carrière sportive mais est-ce que l’inverse est également vrai ? Les attentes et objectifs de ton entraîneur t’ont-ils empêché de t’épanouir sur le plan professionnel ?

Non parce que tout ce qu’il me demandait j’avais envie de l’accomplir, j’allais plutôt biaiser mon côté professionnel pour lequel j’étais un peu moins passionnée. Après c’était plutôt la mise à disposition, j’aurai voulu m’entraîner plus. Je voyais certaines filles qui étaient étudiantes et qui avaient des aménagements. Elles pouvaient partir au tournoi des six nations sans aucun problème, alors que moi c’était plus compliqué. Par exemple le lendemain de mon titre de championne de France, je travaillais. Je comprends les contraintes de l’entreprise mais c’est vrai que si c’était à refaire je prendrais d’autres dispositions. Mais à l’époque je ne savais pas lesquelles.

Comment tu gérais une semaine ? Car j’imagine que tu t’entraînais plusieurs fois ?

Je m’entraînais trois fois par semaine plus les matchs. Après c’est vrai qu’on va à 2000 à l’heure et quand ça s’arrête, à cause d’une blessure, par exemple, la décélération est assez violente parce qu’on est tellement à fond tout le temps que quand ça s’arrête, c’est assez brutal, on se sent un peu désorienté et il faut s’y préparer.

La blessure que tu as eu durant ta carrière a été ta difficulté majeure ?

Oui j’ai eu deux opérations du genou, une quand j’avais 18 ans et l’autre en 2009, mais cette fois-ci ça venait un peu signifier la fin de quelque chose. Je savais que ça devait arriver, que ma carrière devait s’arrêter là mais ce qui était dur c’était vraiment que tout s’arrête d’un coup. Je me demandais ce que j’allais faire, qu’est ce qui allait m’animer de nouveau, me motiver. J’ai donc fait un bilan de compétences, qui m’orientait plutôt vers un métier d’infirmière. Après j’avais mon conjoint qui était là, qui m’a beaucoup aidé, ensuite j’ai été maman en 2011 et 2013.

Comment tu as géré ce passage à vide ou qu’est-ce que tu en a retiré ?

Ça a été assez dur quand même parce que dans le sport on garde des amitiés fortes. Mais personne n’est irremplaçable donc finalement l’équipe continue de tourner sans toi, la vie continue mais il y a quand même une forme d’isolement par rapport à la vie qu’on a mené avant. Donc c’est vrai qu’un accompagnement à ce moment-là est primordial. Moi j’avais quand même ma vie professionnelle mais pour quelqu’un qui n’a rien à côté c’est difficile. C’est là où je me rends compte que j’étais quand même contente d’avoir ma profession, même si elle ne m’animait pas plus que ça, mais elle comblait quand même mes journées, j’avais un rythme de vie, etc.

A aucun moment dans ta carrière tu as été accompagnée, même durant tes blessures ou à la fin de ta carrière ? Tu as juste fait un bilan de compétences ?

J’ai fait un bilan de compétences, bien plus tard j’ai vu une psychologue mais c’est vrai qu’à part le soutien de mes proches, de mon conjoint, je n’ai pas eu d’accompagnement particulier.

Tu aurais souhaité à ce moment trouver un accompagnement sportif mental ?

Oui parce que finalement je suis allée le chercher au travers ce bilan de compétences, cette psychologue mais au final, contrairement à Ween Hub, ils ne sont pas spécialisés pour un public précis que sont les sportifs. Donc l’accompagnement est là mais il n’est pas forcément ciblé sur tout ce qu’a pu vivre un sportif. On fait des rencontres, on suit un chemin de vie et c’est le temps qui est nécessaire pour qu’on se connaîsse soit même.

Selon toi qu’est-ce que Ween Hub peut apporter aux sportifs qui sont en carrière ou en reconversion ?

Cet accompagnement au travers de cette mutualisation de moyens, de compétences et de connaissances permet d’avoir un outil à saisir pour avancer. Je pense que quand on est sportif on a deux vies finalement : on a la carrière sportive et l’échéance qui arrive avec l’angoisse de ne pas savoir comment va organiser l’après.

Une carrière sportive est sereine et vise la performance lorsqu’on dispose d’outils qui nous permettent une meilleure connaissance de soi en tant qu’homme ou femme.

Est-ce que toi durant ton parcours ou après ta carrière tu as cherché à accompagner des sportifs ou à conseiller des personnes que tu pouvais croiser, des rugbywomen par exemple ou pas du tout ?

J’ai partagé l’expérience avec des copines du rugby qui au fur et à mesure arrêtaient l’activité. Mais à part partager cette expérience dans un vase clos je n’en ai jamais eu l’occasion. Les réflexions ne viennent pas forcément tout de suite mais mûrissent pendant des années. Lorsque je pratiquais, Je n’avais pas forcément conscience des difficultés car finalement on s’y accommode malgré nous et parce qu’on a toujours cette passion qui nous anime.

Aujourd’hui comment souhaiterais-tu aider les autres sportifs, peu importe la discipline ?

Par mon expérience, en faisant connaître cet outil qui est bénéfique et qui peut accompagner des personnes.

Même si l’après carrière peut être déconcertante ou désorientante c’est un beau chemin qui se profile vers la connaissance de soi.

 

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