Entretien avec un expert de Ween Hub

Norbert Gérard est un ancien sportif de haut niveau en karaté, qui s’est reconverti dans la production de films publicitaires et en parallèle en sophrologie et en coaching. Il accompagne désormais la préparation mentale des dirigeants d’entreprise et de acteurs du sport .

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Norbert Gérard, j’étais sportif de haut niveau dans les années 70-80, en équipe de France Junior et Senior de Karaté. J’ai eu des problèmes de contre-performance lors de ma transition dans les catégories, mais j’ai eu la présence d’esprit de chercher des solutions et je suis tombé sur une émission de radio qui expliquait que certains athlètes américains se faisaient accompagner par des coachs. À partir de là, j’en ai cherché à Paris, et j’ai trouvé à l’INSEP un psychologue sophrologue qui m’a accompagné et les résultats ont suivis très rapidement. Cela se rapprochait de ce que l’on appelle aujourd’hui la préparation mentale, pour moi ça a été une nécessité de trouver cette ressource supplémentaire. J’ai eu de très bons résultats, grâce à cette démarche, j’ai pu me faire une place parmi les seniors et devenir champion de France à plusieurs reprises, être médaillé aux championnats d’Europe, être sélectionné pour les championnats du monde. Quelque part, cet accompagnement à transformer ma vie. Puis, j’ai mis fin à ma carrière et j’ai cherché à me reconvertir dans le cinéma grâce à un producteur à qui j’ai été présenté. Il m’a formé de A à Z et je suis devenu par la suite assistant réalisateur, technicien de cinéma… Avant de m’orienter vers la pub , la production de films publicitaires ces 35 dernières années. J’ai vraiment vécu une transition d’après-carrière très riche, exigeante et exaltante.

Quel a été pour toi le bon moment pour réapprendre à te former ?

L’arrivée du numérique a bouleversé le monde du travail et a nécessité de la formation pour s’adapter. À partir de ce moment-là, je me suis dit que ça serait intéressant d’actualiser toutes les connaissances et savoirs faire que j’avais déjà acquises grâce au sport et à mes expériences de management. J’ai donc débuté des formations en sophrologie et en coaching pour pouvoir faire face, mieux comprendre, mais aussi partager ça avec des personnes également dans le besoin. Au début dans le cinéma et après, je me suis dit, pourquoi ne pas retourner à l’essence même de là où j’ai commencé, dans le sport, pour voir aussi, comment la dimension mentale a évolué en près de 30 ans. Je me retrouve donc dans les années 2010 à nouveau dans ce milieu et je me rends compte que des avancées plus que significatives ont été réalisées en terme de connaissances théoriques et scientifiques mais que le terrain ne s’en n’est pas emparé. Le passage de la théorie à la pratique ne s’est pas fait, ou du moins plus que partiellement. La transition a eu lieu depuis les Jeux Olympiques de 2012 ou tout ce qui touche à la préparation mentale a commencé à s’institutionnaliser en France jusqu’au développement que l’on connait aujourd’hui. J’ai choisi de faire une année de césure pour entreprendre un master 2 à l’INSEP. Cela a été un moment génial pour mettre à jour mes connaissances avec énormément de données à disposition pour faire l’état des lieux de la dimension mentale dans le sport de haut niveau. J’ai eu l’opportunité à l’INSEP d’assister à mettre en place du Label A.P.P.I. (Accompagnateur Professionnel de la Performance de l’INSEP) qui vise à reconnaître les bonnes pratiques de l’accompagnement mentale à destination de tous les acteurs du sport de haut niveau (athlètes, entraîneurs ou cadres sportifs). Il a vu le jour en 2015, et j’ai été labellisé en 2016 pour accompagner les dirigeants, les entraîneurs et sportifs du haut niveau qui en font la demande, en vue de l’optimisation de leur performance et pour leur permettre de relever les défis qu’il se sont donnés et  d’atteindre les objectifs sportifs et de carrière qu’ils se sont fixés.

Ayant été sportif de haut niveau, remarques-tu des différences dans l’appréhension du double projet ?

À l’époque, il n’y avait pas de double projet, alors que maintenant c’est le cas et le modèle français fait exemple auprès des autres pays. Aujourd’hui, l’heure est à l’individualisation. À chaque athlète, son projet et pour chaque projet tous les aspects sont considérés, qu’ils soient physique, technique, tactique, stratégique, matériel, financier mais également médical, psychologique, sociale et environnemental, rien n’est laissé de côté.  Et dans ce contexte plus complexe qu’auparavant, l’individualisation demande que l’on s’adapte aux besoins des intéressés. C’est ça qui est plaisant, c’est que rien n’est joué d’avance, chaque personne accompagnée est une nouvelle expérience en soi. Tous les domaines sont très importants, et la dimension mentale fait partie intégrante de tout cet ensemble. Elle y a sa place.

Et maintenant, quelle est ta profession après être passé par le monde du cinéma ?

Je travaille maintenant en indépendant dans un cabinet qui accompagne les dirigeants d’entreprises, et j’aimerais qu’on puisse proposer également cela à tout ce qui touche au management dans le sport. J’accompagne aussi des athlètes de tout niveau (olympique, équipe de France, espoir, élite, etc.) et des entraîneurs. La durée dépend des projets du sportif, mais ce que je préfère, c’est de les accompagner soit sur une saison, soit pour les athlètes olympiques par exemple  sur une olympiade (4 ans). Je pense que l’accompagnement mental est tout aussi important maintenant pour un entraîneur-coach que pour un sportif. Ils ont tous deux besoin de personnes ressources pour les accompagner sur leurs projets respectifs et les variations de ceux-ci tout au long de leur réalisation, à la manière d’un sparring partner. C’est pourquoi un accompagnement de fond, au long court, sur-mesure, est préférable à une approche « court-termiste » qui cherche à distiller des solutions stéréotypées « prêtes à l’emploi ». L’une des difficultés pour les sportifs, c’est la peur de trop se confier, alors que justement, dans le coaching mental tout reste confidentiel. La réalité, c’est de pouvoir avoir un espace pour soi, pour partager avec une personne « neutre » et sans enjeu, ses craintes et ses doutes et d’être entendu ou compris, et tout ça dans un espace approprié pour le faire. C’est parfois difficile en famille, avec ses proches, son entraîneur.

Par quel moyen cherches-tu à sensibiliser les clubs ? Ton expérience personnelle t’aide-t-elle ?

C’est multiple, cela passe déjà par un développement de son réseau, aller à la rencontre des athlètes, des entraîneurs, des dirigeants de clubs. Il faut arriver à se faire connaître et cela passe aussi par des rencontres ou des adhésions à des associations comme Ween Hub, pour participer à des actions communes, collectives. L’accompagnement des acteurs du sport et notamment des athlètes, c’est un état d’esprit, un nouveau paradigme, une culture à part entière. Aujourd’hui, c’est une nécessité sociétale, une responsabilité sociale et collective. Avoir des ressources complémentaires pour construire sa carrière et être accompagné dans son évolution par rapport à son projet sportif, c’est essentiel !

Mon expérience personnelle m’a permis de prendre conscience de la nécessité de m’investir dans l’accompagnement, car c’est une transformation de la personne pour toute sa vie. Aussi, réussir dans le sport, ça ne veut pas dire réussir partout, c’est pour cela que c’est intéressant d’apprendre différents types de ressources pour l’après-carrière. C’est une chose que je trouve très importante.  Pour ma part, je l’ai réalisé au travers de mes diverses expériences avec diverses approches telles que la relaxation, l’hypnose, la méditation, etc. Et c’est la sophrologie qui a retenu mon intérêt pour son réalisme et sa pertinence vis-à-vis des besoins que génèrent notre vie sociale intense. Elle nous permet de travailler sur une dimension psychocorporelle, le corps et la tête ensemble, et non pas séparés, donc de travailler sur l’ensemble, la totalité, la dimension globale de l’individu. C’est une démarche qui se complète bien avec le coaching, le coaching systémique notamment, qui vise aussi la considération globale du système, de l’individu en interaction avec son environnement. Et en ce qui me concerne par une approche plutôt centrée sur la personne. C’est vraiment là mon parti-pris.

Selon toi, qu’est-ce que tu considères être un accompagnement réussi ?

C’est quand la personne parvient à se rencontrer. En apprenant à reconnaître pleinement ses besoins, elle parvient à toucher l’essentiel d’elle-même pour mobiliser toutes ses ressources pour sa propre réussite et sa propre réalisation. Pour moi, ce qui est important, c’est avant tout de parvenir à se réaliser en tant que personne, en tant qu’être humain. La réussite n’est qu’une part de cette réalisation. Il y a aussi une nécessité de s’individualiser, de s’autonomiser en quelque sorte, mais pas que…

Je suis content quand la personne me rappelle en me disant que ce que l’on a fait ensemble lui sert encore aujourd’hui, des années après. Cela veut dire qu’il y a une continuité pour lui et que c’est réussi.

Qu’est-ce qu’il a fait écho dans ton parcours qui t’a donné aujourd’hui envie de soutenir Ween Hub aujourd’hui. Et depuis quand es-tu adhérent ?

Ween Hub, c’est véritablement le projet que je rêvais de mettre en place. Je sentais comme la nécessité de créer une association, une structure pour accompagner les besoins des sportifs. Aujourd’hui, vues les circonstances actuelles, il y a un vrai problème à identifier les ressources, les bonnes ressources, dans une jungle de propositions. Si l’on ne s’y connaît pas, il est difficile de bien les identifier. Fort de ce constat, je me suis dit qu’il faudrait mettre en place une plateforme qui pourrait faire converger tous les types de ressources pouvant répondre aux besoins des sportifs, en s’appuyant sur des partenariats d’entreprises et d’experts pour pallier ce manque. De plus il serait important de pouvoir accompagner les demandeurs pour bien identifier leurs propres besoins, afin de les orienter vers les bonnes ressources et; lorsque ces besoins viennent à évoluer, pouvoir réactualiser les ressources de façon adaptée. Et un jour, j’ai entendu parler de l’association Ween Hub et de son objet.  Et là j’ai réalisé que Ween Hub répondait exactement à ce que j’aurais imaginé mettre en place et qui m’aurait pris 2 ou 3 ans. L’idée est superbe, en plus, une forte motivation anime tous ses membres, avec une très grande générosité et c’est très puissant. Cette solidarité, pour moi, c’est très important dans le monde dans lequel nous vivons.

Qu’est-ce que Ween Hub peut apporter aux sportifs dans leur carrière ou leur après-carrière ?

Ce que j’espère, c’est que Ween Hub puisse grandir et continuer à leur apporter un soutien et un accompagnement à tous les niveaux. La diversité des ressources que proposent Ween Hub, et cet esprit collectif sont un grand atout pour les sportifs. Que ce soit dans le monde amateur ou professionnel, tout le monde a besoin d’accompagnement et avec sa dimension pluridimensionnelle, il n’y a pas de clivage. C’est pour toute forme de demande et c’est dans un esprit de culture sportive qui me plaît beaucoup. Je me retrouve totalement dans cette dimension éthique. Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’au lieu de créer une concurrence entre les différents métiers et expertises, Ween Hub cherche au contraire à les réunir. Chacun avec son expertise, sa singularité, les mélanges de générations et tous sont animés par une dimension humaine placée avant toute considération.

À travers Ween Hub que souhaites-tu apporter ou transmettre ?

J’aime beaucoup la transmission, c’est une valeur humaine qui m’anime. J’aimerais partager la valorisation des parcours, des individus, la reconnaissance des potentiels. Je rencontre beaucoup de sportifs qui se remettent en question et qui doutent, parce que bon, c’est de la compétition, c’est difficile, donc ils s’exposent, ils sont en permanence en train d’être jugé. Et l’idée serait pour eux d’arriver à faire la différence entre le jugement de la performance et celui de la personne.

C’est plus difficile pour une personne de distinguer ce qui est de l’ordre de la personne et ce qui est de l’ordre du résultat. Que ce dernier soit bon ou mauvais, la remise en question ne peut être que sur un pan de la personne et non sur tout son être. Il ne s’agit que d’une épreuve et non de toute une vie qui se joue.

Pour moi le sport, c’est une aventure, c’est une expérience, c’est un moyen de s’épanouir et d’avancer vers la réalisation de soi. J’accompagne des jeunes, et les entraîneurs leur mettent la pression en leur disant qu’il faut qu’ils fassent des résultats. Bien sûr, mais pour autant, pas à n’importe quel prix. Pas au prix de les en dégoûter. Pas au prix de leur équilibre moral. Et ce qu’il faut réussir à préserver, n’est-ce pas le plaisir ?

En fait, dans mon rôle de coach mental, ce qui me paraît important, c’est que les sportifs s’épanouissent, qu’ils trouvent leur équilibre et qu’ils deviennent des adultes équilibrés. Qu’ils finissent par mieux se connaître dans cette aventure-là !

Et quand ils en parleront dans dix ou vingt ans, ils seront fiers de ce qu’ils ont fait et ça leur aura permis de se construire des souvenirs et un avenir, et pas nécessairement que dans le sport.

Il y a une dimension éducative, développementale, au cœur de cette démarche. C’est l’essentiel.

 

Si vous aussi, vous souhaitez participer et rejoindre l’aventure Ween Hub, en tant qu’expert, partenaire, sportif ou personne intéressée par notre démarche, n’hésitez plus et adhérez ci-dessous !

 

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