Véronique Barré est une experte dans l’accompagnement des sportifs de haut niveau, adhérente de Ween Hub depuis la création de l’association. A travers ses différents dispositifs (Collectif Club, Sport Compétences) et Ween Hub, elle souhaiterait apporter sa pierre à l’édifice et remédier à ce décalage entre la société civile, le monde professionnel et le monde du sport.

Véronique Barré, experte dans l'accompagnement

 

Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?

Je m’appelle Véronique Barré. J’ai débuté le sport de façon intensive à l’âge de 5 ans. Dans un premier temps avec la gymnastique, puis à l’âge de 12 ans, j’ai choisi de me tourner vers le volley ball, que j’ai pratiqué en niveau national jusqu’à mes 34 ans. Aujourd’hui, je reste active en pratiquant le golf, la course à pied, le yoga, le pilates.

En ce qui concerne mes études, j’ai obtenu une maîtrise AES en gestion des entreprises puis un DESS en Stratégie et Ingénierie de formation pour adultes en formation continue après quelques années sur le terrain. A 21 ans, à la sortie de ma maîtrise, je me suis installée en indépendante et j’ai débuté comme formatrice en management et ressources humaines, ce qui m’a permis d’être au coeur de la conduite du changement. Puis j’ai développé successivement plusieurs sociétés en formation puis conseil en développement organisationnel.

Au début des années 2000, j’ai pu observer au sein de clubs professionnels la problématique de reconversion apparaître, en lien avec la professionnalisation du sport. En effet, ce nouveau statut professionnel contraint les sportifs à mettre tout leur temps et leur énergie à la pratique exclusive de leur sport et au respect de leur contrat. Il m’a alors semblé nécessaire d’organiser les choses différemment et de permettre aux joueurs d’anticiper cette reconversion en y associant tous les acteurs concernés. J’ai créé ma propre société, Trajectoire Performance, en 2003.

De ces problématiques est née l’association Collectif Sport, en 2010, à travers lequel j’ai cherché à développer des programmes innovants, inspirés de mon expérience de l’entreprise, des ressources humaines et du sport (en club). Le dispositif Club Citoyen Collectif Sports est le premier que j’ai destiné aux clubs,  pour les encourager et les former à l’accompagnement des sportifs à l’anticipation de leur après carrière et de leur reconversion.

Mon intérêt pour les problématiques de la reconversion des sportifs de haut niveau vient de mon vécu et des observations que j’ai faites des difficultés auxquelles ils doivent faire face, et qui tiennent moins à eux qu’au système. J’ai de l’empathie pour ces talents qui consacrent une partie de leur vie à une activité, et je comprends la difficulté que cela représente pour quiconque d’arrêter le sport, qui est une passion, une respiration, un équilibre. Comme ce fut le cas pour moi avec le volley, mais à une autre dimension puisqu’ils font de leur sport leur activité principale, voire exclusive. D’une pratique exposée où ils sont admirés et ont une place importante et reconnue dans la société, ils passent en un instant à l’ombre et s’y retrouvent seuls, sans savoir quel avenir se construire, totalement convaincus de ne rien savoir faire.

Or, mes expériences dans les ressources humaines m’ont convaincu du fait que la pratique sportive permet aux sportifs de haut niveau de développer des compétences qui sont utiles en entreprise. Moi-même, j’ai pu me rendre compte des compétences et capacités qui étaient dues à la pratique sportive en m’entourant dans ma précédente société de conseil en entreprise d’un rugbyman, d’un rameur, d’une tenniswoman, d’un marathonien. Il était intéressant de voir nos différences et caractéristiques, propres à notre pratique sportive. C’est cette richesse que je souhaite montrer aux entreprises pour leur faire comprendre que recruter des talents sportifs leur serait bénéfique.

En 2016, j’ai publié un livre « Le sport, des médailles et après ? Les atouts des sportifs pour l’entreprise » pour montrer la variété et le haut niveau de compétences qu’ils développent à l’occasion de leur carrière sportive.

Puis, en 2017, j’ai développé un nouveau dispositif “Sport Compétences” en partenariat avec la FDJ. Le dispositif Sport Compétences permet depuis sa création de mettre en valeur les compétences transférables des sportifs de haut niveau dues à leur pratique, et leur permet d’en recevoir la reconnaissance du monde de l’entreprise.

Quel accompagnement apportes-tu aux sportifs de haut niveau et/ou professionnel ?

Je les aide à réfléchir et à préparer leur après-carrière sportive, de préférence pendant qu’ils sont encore en carrière. Je les aide aussi à prendre conscience des qualités, forces, compétences qu’ils y ont développées et à se préparer à leur réengagement dans le monde de l’entreprise, car cela ne va pas de soi.

Lorsque je travaillais en ressources humaines, je mesurais déjà tout leur potentiel. Et aujourd’hui, les dispositifs d’accompagnement dont je suis à l’origine offrent aussi bien un suivi personnalisé aux sportifs qu’une dynamique de mobilisation au seins des clubs qui souhaitent s’impliquer dans la préparation de l’après carrière de leurs sportifs.

Concrètement, lorsque l’on parle d’insertion professionnelle et d’accompagnement individuel, la première étape reste l’état des lieux. Dans un premier temps, on va chercher à comprendre où en est le sportif dans sa vie, dans sa carrière et ses projets ; ils sont tous face à une problématique soit d’orientation (quel projet professionnel), soit de formation (quels diplômes sont nécessaires pour y parvenir), soit d’insertion professionnelle (comment j’intègre le monde de l’entreprise). 

C’est important de passer par cette étape là parce que les sportifs peuvent avoir fait des choix sans avoir réellement réfléchi au projet professionnel, au métier vers lequel la formation choisie les oriente. Il arrive que des sportifs partent de représentations qui sont très succinctes et qui n’ont pas été creusées. Il arrive aussi que des choix d’études soient juste des choix d’opportunité, pour bénéficier d’aménagements horaires ou pour des raisons de compatibilité avec le projet sportif .C’est pourquoi, nous allons chercher à les confronter à qui ils sont, à leurs envies et leurs centres d’intérêt  pour ensuite structurer les idées et les guider vers un projet qui leur conviendra réellement. 

Finalement, nous allons chercher à leur faire comprendre que plus ils réfléchissent tôt à cette reconversion, plus ils se donnent des moyens de faire des rencontres, d’apprendre et de faire mûrir leur projet. Le fait d’avoir une perspective sur son avenir permet de mobiliser des ressources dans des périodes qui sont incertaines.

A quels besoins cet accompagnement répond-il ?

Le sportif de haut niveau vit une réelle désintégration identitaire quand il raccroche ses baskets. Très jeune, sa passion pour son sport le conduit à adopter tous les codes et exigences de sa discipline. A l’adolescence, il est « devenu » son sport, il s’est construit à travers lui et en a pris tous les attributs.

Lorsque la carrière prend fin, cette identité vient à être remise en question : qui je suis maintenant que je ne suis plus le sportif que tout le monde reconnaissait ?  Il doit trouver de nouvelles pistes, se créer une nouvelle identité sociale et se réinventer, tant auprès de ses proches que vis-à-vis de lui-même. 

Cela répond à un besoin vital de trouver une nouvelle place dans la société. L’accompagnement, tel qu’on le conçoit, lui donne confiance en son potentiel et lui permet de rebondir à la fin de ce premier cycle de vie vers quelque chose de stimulant, d’épanouissant et dans lequel il pourra se réaliser à nouveau.

Cet accompagnement vise à permettre au sportif de se définir une nouvelle identité sociale.

Qu’est ce qui a motivé ton investissement dans l’accompagnement des sportifs ?

Ce qui m’a motivé particulièrement a été leur détresse à la fin de leur carrière, un moment qui peut faire des ravages personnels, psychologiques et physiques. Les sportifs peuvent faire face à toutes sortes de désillusion et ressentir des émotions violentes à l’arrêt de leur carrière. 

J’ai ressenti de la colère devant le décalage entre l’adulation portée aux sportifs lorsqu’ils gagnent une médaille et le manque de considération qui leur est accordé lorsqu’ils mettent fin à leur carrière. Mais aussi de la frustration de mesurer tous leurs atouts et leurs expertises tandis qu’elles ne sont pas reconnues à leur juste valeur par l’entreprise et les recruteurs, quand bien même dans le discours ces derniers vont valoriser les soft skills.

Je pense que c’est lié au regard que porte la société sur un sportif. Faire des études est plus important et plus valorisé que faire du sport et être un champion. Et faire du sport ne développe pour beaucoup que des qualités physiques. On ne sait pas mesurer les apprentissages et les savoir-faire ou les savoir-être qu’il faut développer pour aller chercher et reproduire la performance sportive.

Cette mauvaise lecture de la société civile sur les sportifs peut aussi les pénaliser aussi en entreprise, puisqu’il peut y avoir un décalage entre leur qualités (engagement total, dépassement de soi, rigueur) et le fonctionnement de l’entreprise. 

Pour toi, qu’est-ce qu’un accompagnement réussi ?

C’est quand un sportif a défini son nouveau projet professionnel et qu’il a pris conscience de ce qu’il va pouvoir y apporter. Quand il fait le lien entre le sportif qu’il a été et le professionnel qu’il devient dans son nouveau métier. Quand il est en capacité de s’épanouir à nouveau dans sa vie et de continuer d’apporter à la société toute l’énergie et les qualités qui avaient fait de lui ou elle un champion.

Concrètement, en lien avec mes dispositifs, c’est lorsque l’on permet au sportif d’atteindre les objectifs qu’il nous a assigné à court terme. Pour autant, cela se mesure surtout à long terme, car c’est seulement un processus réussi si on lui a permis d’évoluer personnellement et professionnellement avec des résultats dans 1 an, 5 ans, ou 10 ans. C’est lorsque le sportif est finalement là où il voulait être et qu’il vit ce qu’il voulait vivre.

Qu’est-ce qui a fait écho dans ton parcours et tes valeurs et qui t’a donné envie, aujourd’hui, de soutenir Ween Hub ?

Ce qui m’a plu avec Benoît Moneuse, avant même l’idée de Ween Hub, était notre volonté commune de mettre le sportif au coeur de nos préoccupations. Cela s’est traduit par la nécessité de trouver des moyens qui permettraient aux sportifs de bénéficier des accompagnements dont ils ont besoin. Tout en se demandant continuellement si notre démarche rendait service aux sportifs. Cette remise en question est essentielle pour notre activité puisqu’elle nous force à nous concentrer sur le bien-être et l’accompagnement des sportifs de haut niveau que nous rencontrons, dans une logique altruiste. 

Je soutiens Ween Hub parce que nous souhaitons conjointement, Ween Hub et Collectif Sports, apporter des solutions concrètes et opérationnelles aux sportifs de haut niveau, tout en respectant leur engagement total dans leur sport.

Selon toi, qu’est-ce que peut apporter Ween Hub aux sportifs et à ceux qui ont arrêté leur carrière ?

Ween Hub, ce doit être une information claire, précise, complète, centralisée, de qualité sur les soutiens dont les sportifs de haut niveau peuvent disposer pour réussir pendant et après leur carrière, avec les moyens qui leur permettent d’en bénéficier.

A travers cette démarche collaborative avec Ween Hub, que souhaites-tu apporter ou transmettre ?

Je souhaite, dans un premier temps, partager avec les experts que notre priorité c’est le respect du sportif et de son projet. Il est au centre de notre action. Et notre travail est de créer et d’animer des dispositifs qui vont l’aider à performer et à s’épanouir pendant et après la carrière. Pour cela, nous devons aussi, en tant qu’experts, avoir conscience de nos capacités et de nos limites pour diriger les sportifs vers des experts plus ou autrement “compétents” que soi pour répondre à une problématique particulière. Ce qui nous guide doit être essentiellement le service au sportif ! 

A travers ses expériences, j’aimerais partager cette conviction du développement, grâce à la pratique sportive, de compétences extrêmement pointues et utiles pour la vie d’après le sport, des compétences que j’ai cherché à mettre en avant dans son association “Sport Compétences”. Et bien entendu construire ensemble et réfléchir collectivement pour apporter de nouvelles solutions.

Un de nos objectifs : faire changer le regard de la société et des sportifs eux-mêmes sur leur parcours et leurs atouts, et la valeur éducative, structurante et formatrice du sport.

 

adhérer Faire un don